Extraits du rapport des exécutions de début 1794 à Angers, et autour…

par M. Simon Gruget, curé de la Trinité d’Angers

 

L'instrument fatal de la guillotine était placé sur la place du Ralliement...

Il fut placé à la fin du mois d'octobre 1793 et il y resta jusqu'au 15 octobre 1794. Il était assez près de moi pour que je puisse, non seulement le voir, mais encore donner l'absolution â tous ceux qui étaient condamnés à mort.

J'entendais les cris ou plutôt les hurlements qu'on faisait à chaque tête qui tombait, et je voyais les chapeaux qu'on levait...

 

Les corps des victimes étaient mis aussitôt sur un chariot et conduits dans le cimetière, près l'enclos de la Visitation.

Il y a eu environ trois cents guillotinés, dont j'ai les noms dans mes noies et la plupart prêtres de ce diocèse...

 

Ce tribunal de mort interrompait parfois ses séances pour en faire d'autres bien plus barbares.
C'est ainsi qu'il condamna à être fusillés plus de 1500 Vendéens qui avaient posé les armes après la déroute du Mans, sur la promesse qu'on leur avait donnée qu'on leur conserverait la vie et qu'ils ne seraient pas inquiétés, et qui furent quelques jours après conduits sur les bords de la Loire, près les Ponts-de-Cé, pour y être mis à mort.

 

Mais pourquoi des fusillades ?

La première commission militaire d'Angers, créée le 11 juillet 1793 et présidée par le citoyen Félix, quitta Saumur pour venir s'installer a Angers. Celle-ci avait à plusieurs reprises, aux Ponts-de-Cé, à Doué, puis à Saumur, fait usage de la fusillade pour l'exécution de Vendéens condamnés à mort par fournées.

C'était un mode d'exécution a la fois prompt et économique. La guillotine eût demandé trop de temps pour couper autant do têtes {de plus elle coûtait trop cher. L'exécuteur des jugements criminels Dupuis demandait 50 livres pour chaque tète qu'il faisait tomber}.

Pourquoi, dès lors, employer cet instrument pour des individus ne possédant aucun bien dont la confiscation pût couvrir les frais de leur exécution.

On résolut donc de réserver celle-ci pour les personnes qui possédaient quelque chose ou pour ceux qui avaient occupé une certaine situation, comme les prêtres, les nobles, les riches, les fonctionnaires, les officiers, ceux dont la mort devait servir d'exemple : l'aristocratie de la guillotine ! Pour les paysans, la fusillade...

 

Au début de janvier 1794, plus de 2 000 personnes, hommes et femmes de tous âges, attendaient dans les prisons d’Angers, l’heure d’être conduites à la mort. Pour se débarrasser au plus vite de « ces mangeurs de bon Dieu, de ces brigands qui ne voulaient pas se soumettre aux lois de la République une et indivisible », il fut résolu d’employer un grand moyen : la fusillade en masse.
Desvallois, fermier et patriote exalté, proposa un de ses champs, dans le parc des anciens moines de Grandmont, comme lieu d’exécution.
Les 12, 15, 18, 20, 21 et 22 janvier, les 1er et 10 février et le 16 avril, les malheureux destinés à la fusillade furent attachés deux à deux, formant de longues chaînes qui marchaient jusqu’au champ de la mort. Les plus faibles étaient jetés comme des « paquets de linge sale » dans des charrettes réquisitionnées. Les cadavres encore chauds étaient ensuite dépouillés et enterrés dans une telle précipitation que plusieurs victimes auraient été ensevelies vivantes.

 

Le dimanche 12 janvier 1794, 300 personnes, tant des insurgés que ceux qui leur avaient donné l'hospitalité avaient été conduites aux Ponts-de-Cé et massacrées impitoyablement. 100 autres furent conduites dans le Champ des Martyrs d’Avrillé, sans jugement ni interrogation préalable. On eût passé trop de temps à les interroger.

On se contentait seulement de leur demander leurs noms, leur âge, leur état et le lieu de leur demeure et on les conduisait au lieu de leur supplice attachées deux à deux. Arrivés au Champ des Martyrs, on les conduisait sur les bords des fosses où ils devaient être ensevelis....

 

J'ai tout lieu de croire que c'est dans cette journée que j'ai perdu ma soeur aînée, Jeanne Gruget, veuve d'Etienne Doly, native et domiciliée de la ville de Beaupréau... (En fait, elle fut fusillée le 1er février 1794)

 

Le tribunal révolutionnaire fut quelques jours sans ordonner de fusillades, mais comme il ne pouvait pas rester sans rien faire, il condamna quelques prêtres à la guillotine pour se désennuyer et passer le temps. C'était dans ces jours qu'il avait fait conduire à Nantes une soixantaine de prêtres pour être noyés dans les "bateaux à soupapes"...

 

Ce fut le mercredi matin, 15 janvier, qu'on fut les prendre chacun dans leur prison et après les avoir attachés deux à deux, on les conduisit dans les bois des Bons-Hommes, c'est-à-dire le champ dit des Martyrs d’Avrillé, pour y être massacrés comme ceux qui les avaient précédés....

 

Le tribunal révolutionnaire, pour ne pas demeurer oisif les deux jours suivants, condamna cinq personnes à la guillotine, quatre laïcs accusés d'avoir eu des intelligences avec les Vendéens, et un prêtre, nommé Pierre Petiteau, de la paroisse de Varades, diocèse de Nantes, et vicaire de Aubernay près Chateaubriant...

 

Le samedi matin, 18 janvier 1794, 250 personnes furent prises et attachées deux à deux et conduites audit champ des Martyrs pour y être fusillées, ou plutôt massacrées. Je dis massacrées, car il arrivait souvent que toutes ne tombaient pas au coup. Plusieurs mêmes n'étaient pas frappées à mort... Pour les finir on tombait sur les infortunées victimes â coups de sabres et de baïonnettes pour les achever...

 

Le lendemain, 20 janvier 1794, sept respectables personnes furent conduites à leur tribunal de sang et condamnées à mort, et dés le soir elles furent exécutées aux cris chéris de « vive la République »...

M. Charles Henry des Glaireaux, chevalier de Saint-Louis, de la ville d'Angers

M. Etienne RobertGirault de la Porte, aussi chevalier de Saint-Louis, de Tiercé

M. Charles Menin Gault, natif de Nueil, près les Aubiers,

M. François Chambeau, charon, de Cholet;

Geneviève Bouchet, fille, ma parente, âgée d'environ 24 ans, de ND de Beaupréau, (Guy) son père était chirurgien. On fut frappé de son courage quand on la vit monter à l'échafaud avec un air gai et content qui annonçait la paix de sa belle âme...

 

Le lundi matin, 20 janvier, ils en avaient conduit environ 408 personnes, 108 huit hommes et environ 300 femmes, au champ dit des Martyrs et les avaient massacrés impitoyablement comme les autres...

 

Le mardi 21 janvier l794, 150 personnes, 70 hommes et 80 femmes, furent conduites au champ dit des Martyrs et y furent massacrées comme les précédentes. Et, pour ne point perdre de temps, on fit mourir l'après-midi sur l'échafaud deux personnes,

dame Marie-Suzanne-Radégonde-Charlotte Marsault, veuve le Clerc, baronne de Vezins, près Cholet

dlle Louise-Mathurine Baranger, sa femme de chambre, native de Vezins, dont le crime était d'être attachée au roi et à la religion.

 

Le soir même de ces massacres, nos tigres, ... en désignèrent encore 88, massacrées impitoyablement le lendemain, mercredi matin, 22 janvier...

 

Le 24 janvier, ils se réunirent et en condamnèrent six à la mort qui furent exécutés le soir.

Je n'ai pu me procurer les noms de ces respectables victimes.

(François Martin, dit le Breton, maréchal à la Guibertière, prés Mortagne;

Joseph Goubeau, dit le Blond, tisserand et barbier à la Séguinière, près Cholet

Joseph Roger, né à Torfou et aubergiste à Tiffauges

Pierre Huilier, aubergiste à Cholet

Marie Poirier, femme Dabin, native de Cholet;

plus un sixième, Pierre Baranger, de Cholet, dont le nom se trouve dans le dispositif du jugement seulement, mais qui n'en fut pas moins condamné à mort avec les autres.)

 

Il n'y eut pas de massacres dans le champ dit des Martyrs jusqu'au 1er février suivant.

Pour ne pas rester sans rien faire ils se bornèrent à guillotiner.

 

Le 25 janvier, deux furent condamnés à mort et exécutés, dont je n'ai pas les noms.

(Charles Hernault de Montiron et Mme Mélanie Louet, femme de Antoine-Hercule le Hainault de St-Sauveur.)

 

Le dimanche 26 janvier, ils en condamnèrent six autres qui furent exécutés le soir même,

Dlle Marie Dutréan, fille, de Mortagne,

Dlle Àrmande Dutréan, sa sœur, fille,

Dlle Marie-Jeanne Thibault la Pinière, native d'Angers

Dame Marie de la Dive, veuve Verdier de la Sorinière, de St-Crespin,

M. Huau de la Bernarderie, curé de Craon, près Chàteau-Gontier, natif du Ménil, 50 ans.

Il n'eut pas la force d'aller à la guillotine. On l'y transporta sur un brancard.

Il y en eut encore un autre dont il ne m'a pas été possible de me procurer le nom.

(Joseph Niveleau, natif de Montfaucon, chirurgien aux Ponts-de-Cè, âgé de 30 ans.)

 

Le lundi 27 janvier, cinq personnes furent ensuite conduites devant le tribunal révolutionnaire, condamnées à mort et exécutées le même jour.

C'était de onze heures à midi que le tribunal tenait ses séances qui duraient au plus une demi-heure.

dame Charlotte Dutréan, veuve de M. de Chabot de Mortagne,

soeur des autres exécutées la veille

dlle Beninne de Besse, fille, de St-Martin-Lars en Poitou

dlte Duverdier, de Chemillé,

dlle Marie Humeau, native de la Salle-de-Vihiers et demeurant aux Gardes,

M. René Bellanger, md mercier, natif de Brou, près la Flèche, diocèse d'Angers.

 

Le mardi 28 janvier, six autres furent encore condamnés à mort et exécutés le même jour,

François Rethoré, tonnellier

Pierre Frouin, marchand de fil

Jacques Frouin, tailleur d'habits, maire de St-Lambert-du-Lattay

Thomas Guilloteau, aussi tailleur d'habits

Jean Edin, tonnellier

Urbain Cohuau, tailleur do pierres,

tous les six de St-Lambert-du-Lattay.

 

Le vendredi 31 janvier, ils en firent venir deux à leur tribunal

M. Jean-Baplistc Desmarres, d'Estimanville, natif de Pont-Eveque en Normandie, adjudant-général de la 1ère division de l'armée de Niort et commandant de l'armée de Bressuire ; ils l'accusèrent d'avoir trahi la République, parce que ses troupes avaient été battues par l'armée catholique et royale.

C'en était assez pour mériter la mort, aussi fut-il condamné et exécuté le soir même...

 

Le samedi 1er février, 400 respectables personnes, tant hommes que femmes, la plus grande partie de femmes, furent conduites dans le bois des Bons-Hommes, au champ dit des Martyrs d’Avrillé où elles furent impitoyablement massacrées...

 

Ce fut dans cette journée à jamais mémorable que Madame veuve Houdet, âgée d'environ 75 ans, avec trois de ses filles, la plus jeune a moins de 34 ans, de Notre-Dame de Chalonnes, furent également massacrées.

Madame Houdet était mère de M. Houdet, vicaire de la Trinité...

On lui proposa d'être réclamée par un ami de la République,

(Dans le moment où on emmenait les femmes, arrive dans notre maison le citoyen Hardiau, gendre de la mère Houdet, pour annoncer qu'il venait de présenter au Comité Révolutionnaire une pétition, qui devait bien certainement leur procurer leur liberté... Elles étaient alors liées entre elles et partaient, rue St Nicolas, vers leur fin)

 

Ce même jour, 1er février 1794 on compte parmi les victimes massacrées au champ des Martyrs,

Mme Saillant dit d'Epinaz, avec deux (trois) de ses demoiselles, âgées d'environ 15, 21, et 23 ans,

M. Saillant dit d'Epinaz, son respectable époux, était juge conseiller de la sénéchaussée de Saumur, avant la Révolution. Il mourrut le 4 mars 1794.

 

Le lundi 10 février, 200 personnes, tant hommes que femmes, la plus grande partie de femmes, furent saisies et attachées deux à deux pour être conduites au champ dit des Martyrs. 20 personnes ou environ avaient été arrêtées la veille, dans leurs foyers, sans autre crime que d'être aristocrates, et immolées avec les autres.

 

Lors des fouilles de 1867, on a reconnu l'existence dans l'enclos du Champ de Martyrs, de 12 grandes fosses, toutes de 5m30 de longueur et de lm60 environ de profondeur. Cela n'indiquerait pas qu'il y ait eu douze fusillades. Nous croyons toujours, avec M. Gruget, qu'il y en eut seulement huit, ou plutôt neuf en y ajoutant celle du 20 germinal, dont il n'a pas parlé. Mais il est probable que pour certaines de celles-ci, notamment celles du 20 janvier et 10 février I794, comprenant chacune quatre cents victimes, on fut dans l'obligation de creuser plusieurs fosses pour contenir un aussi grand nombre de cadavres.

 

 

Un témoin des massacres de 1794

Un jeune combattant de vingt ans, nommé Vallée, faillit y laisser la vie. Son témoignage est édifiant.

« Le général Legros avait tenu à commander le massacre. Il était venu de grand matin, à la tête de la garnison en armes, et s’était fait suivre d’une charrette chargée de cordes. Liés deux à deux, au sortir de l’église, attachés par un autre cordage qui servait de chaîne, les prisonniers étaient jetés ensuite au milieu des soldats, et rangés en ordre sur la place. Plus de mille pauvres victimes, dont la moitié était des femmes et des enfants, formaient ce cortège funèbre. Peu pressé de m’y adjoindre, je m’étais retiré dans le chœur, et me trouvais ainsi des derniers à sortir de l’église. Dans ce moment même, les cordes manquaient aux bourreaux ; le tambour bat la charge, et toute la colonne se dirige sur la route du Marillais.
Arrivés en face de la vieille église, au bord de la Loire, dans un pré sur la droite que l’on nomme aujourd’hui le Pré des Martyrs, nous nous laissons placer comme des moutons qu’on conduit à la boucherie. Des pionniers creusaient près de la haie, dans la partie la plus élevée, une immense fosse […] À la vue de cette fosse béante, une résolution subite me traverse l’esprit ; nous étions là douze jeunes gens voués à la mort, mais libres de nos mouvements […] Un coup d’œil est échangé entre mes camarades, et au même instant, par un élan subit, nous franchissons tous la fosse, et prenons notre course à travers champs…
Dans la confusion, des centaines de coups de fusil sont tirés. Huit fuyards sont abattus, le reste réussit à s’échapper. Aucun autre prisonnier n’aura leur chance. »

 

 

Le citoyen Vial était maire de Chalonnes. Le 19 mars 1793, il essaie de défendre cette ville contre les Royalistes et il prend la fuite. Mais bientôt il sut
tirer une cruelle vengeance de cette déroute. Il prêta, dit-on, la main à une noyade de 90 prêtres vis-à-vis de Montjean.
Cette accusation devait être pour lui une sauvegarde ; elle ne le préserva point des atteintes de Francastel, et de Hentz son collègue. Il est arrêté, livré par eux à la commission militaire. Le hasard le fait échapper à une condamnation. Mais, le 4 octobre 1794  ce Vial, auteur d'une brochure sur les causes et motifs de la guerre de la Vendée , adressait une plainte à la Convention, et dans cette plainte, on lit que ces sept commissaires « avaient pendant trois mois seulement fait périr sans aucune forme de procès près de 10 000 âmes par le fer ou par l'eau. » .

 

Ce chiffre n'a rien qui puisse étonner, lorsque, ainsi que nous, on a sous les yeux les jugements rendus a cette époque.
Dans la ville d'Angers, où la plupart des monuments publics avaient été transformés en prison, il ne fallait que deux heures pour interroger, juger et condamner 400 à 500 accusés. On prononçait sur leur sort séance tenante ; l'exécution suivait immédiatement.
Le temps manquait pour inscrire tous ces martyrs. On les fusillait, on les guillotinait, et souvent sur ces registres funèbres on ne voit qu'un F ou qu'un G pour indiquer le sort qui fut réservé à ceux dont le nom est conservé.
Dans cette multitude de victimes renfermées à la cathédrale, an Calvaire, au Bon-Pasteur ou au séminaire, les femmes se trouvent en majorité. Les unes sont accusées, et c'est sur les dossiers du tribunal révolutionnaire que nous relevons leurs crimes, les unes sont « accusées de paraître fanatiques, d'être
dévotes au superlatif, d'aimer mieux les prêtres que la République, d'être de vieilles fanatiques enragées 
» ; les autres sont sous le coup d'une prévention politique aussi concluante : « elles ont traversé la Loire, elles sont de méchantes femmes, leurs maris sont chez les Brigands, elles aiment autant les Brigands que les Patriotes. »

 

Francastel, élu à la Convention, a autorisé le comité révolutionnaire à « prendre des moyens prompts et sûrs pour débarrasser les prisons. »
Les détenus, entassés les uns sur les autres, sans nourriture et sans repos, y sont attaqués, comme à Nantes, de toutes les maladies pestilentielles.
Le comité s'arrange en conséquence.
Il fait ouvrir de larges fossés dans la campagne, et sous l'escorte de ses clubistes il traîne au supplice plus de 300 Français par jour. Les victimes sont attachées deux à deux par des cordes.
Elles marchent sous l'escorte des soldats, précédées d'une musique qui doit étouffer les sanglots ou les appels au peuple.
La commission militaire et les représentants qui vont se délecter dans cet éternel bain de sang les suivent avec une effrayante ponctualité.

Le trajet est au moins d'une heure par un chemin boueux.
On voit des juges du tribunal révolutionnaire, Goupil entre autres, qui sont là, armés de haches. Ils frappent à coups redoublés les malheureux dont une longue détention et l'attente d'une pareille mort affaiblissent les forces.
Le funèbre convoi arrivait ainsi sur un terrain au delà de l'abbaye Saint-Nicolas, près de la Haie-des-Bons-Hommes, appelé maintenant le Champ des Martyrs, et resté sans culture depuis cette époque. Un pan abattu de muraille servait de porte d'entrée à ce vaste tombeau.
Une grande fosse béante apparaissait.
Alors la tourbe révolutionnaire se mettait à l'œuvre. Aux chants sauvages de la Marseillaise et du Ça ira elle dépouillait les condamnés, puis elle les poussait pêle-mêle et vivants dans la fosse sur les cadavres en putréfaction qu'ils rejoignaient même avant la mort.
La mort ne venait pas de suite : il fallait donner aux bourreaux la cruelle joie de la présenter sous mille formes.

A Angers ainsi qu'à Nantes, on évoque au milieu de toutes les orgies de la Révolution de longues, d'infâmes insultes à l'humanité et à la pudeur.
Carrier a des rivaux en Francastel, Hentz et Bourbotte, des rivaux qui regrettent à haute voix de ne pas travailler sur un plus vaste théâtre.
Le récit de tant d'horreurs qui se renouvellent sur tous les points, la lecture de tant de pièces sanglantes a tellement fatigué mon cœur et mes yeux , que l'historien doit s'arrêter. Il a raconté, et, moins heureux que ses devanciers romains dans le récit des crimes, il ne peut pas dire comme eux : narrandum, non probandum. Tout a été prouvé, car pendant plus d'un an il n'y eut pas de cité dans l'Ouest où la guillotine ne fût en permanence, pas d'heure où il ne tombât une tête, pas de Conventionnel qui n'eût à sa suite une escorte de bourreaux. Il n'y a pas un village qui ne garde dans son registre municipal la trace officielle de tant d'incompréhensibles forfaits.

 

La Vendée militaire devait être noyée dans le sang de ses enfants. Elle venait d'être immolée sous le fer de Marceau et de Kléber, de Beaupuy et de Westermann. On l'avait égorgée jusque dans sa génération naissante. A ce long cri de douleur qui s'élève de Brest à Niort, et qui de La Rochelle retentit jusqu'à Laval, la Vendée sort de ses ruines. Écrasée sous le pied de la Révolution, elle se dresse contre ses vainqueurs et, rangée encore en bataille, elle les attend au milieu de ses landes.