Rapport médical de fin de mission de la Nive

 

partie le 20 mars 1884 de Toulon pour la Cochinchine

Commandé par le Capitaine de Frégate M. de Keranbosquer

Médecin major M. Ludger

 

Le transport la Nive vient de faire dans l’Extrême-Orient  une campagne dont je vais essayer de retracer les principaux évènements.

Le bâtiment a été construit au Havre suivant un plan qui offre de grandes analogies avec le plan des nouveaux transports de Cochinchine.

J’aurais donc très peu d’aperçus nouveaux à présenter à son sujet, si ses aménagements intérieurs n’étaient pas tout à fait particuliers.  

Ce navire n'est pas, en effet, un transport de malades comme on pourrait le croire et d’après son apparence extérieure , c’est un transport de troupes particulièrement aménagé pour recevoir de la cavalerie. Il eut été intéressant de voir si ce bâtiment répond bien au but qu’on en attend ; malheureusement les circonstances ne se sont pas prêtées à cette étude. En raison des circonstances la destination du navire a été changée et il s’est trouvé servir à des usages pour lesquels il n’était pas fait. Les critiques que je pourrais formuler dans le cours de ce rapport n’auront donc pas pour but de démontrer que la Nive est un mauvais transport-écurie mais bien que c’est un transport-hôpital très imparfait.

 

Carré des passagers

Le bâtiment étant destiné à transporter des troupes, le logement des officiers passagers a nécessairement attiré mon attention. Le carré des passagers des 1ère et 2ème table sont situés au centre du bateau, sous la dunette et flanqués de chaque coté parles chambres dont ils ne sont séparés que par une coursive latérale de chaque bord. Cette disposition des carrés est moins avantageuse que la disposition adoptée sur les nouveaux transports de Cochinchine où une galerie extérieure entourant les carrés y déverse avec abondance l'air et la lumière.

Ici au contraire le carré des 2ème est sombre, peu aéré, chaud. Une simple claire-voie sert à son éclairage et à son aération ; or cette claire-voie n'étant pas située au milieu du carré, il en résulte que l'éclairage est insuffisant dans la partie arrière de ce carré. Cette insuffisance se fait d'autant mieux sentir que, les tentes étant toujours en place, l'accès de la lumière en est rendue plus difficile. L'aération se fait également mal par cette claire-voie ; ce qui se comprends très bien quand on connaît sa disposition ; elle est placée entre le kiosque de la roue arrière du gouvernail et le mat d'artimon ; par suite quand le bâtiment a le vent debout, l'accès de l'air est empêché par le kiosque de la roue, et quand il a le vent de l'arrière l'accès de l'air est entravé par le mât d'artimon et les deux manches en tôle qui le flanquent.

Cette disposition du carré aurait peu d'importance si le bateau ne faisait que des traversées très courtes et avec des gens bien portants mais elle présente au contraire de très grands inconvénients quand il s'agit d'une traversée aussi longue et aussi pénible que celle de Cochinchine et quand les passagers sont des officiers malades.

Le carré des 1ères mériterait les mêmes critiques ; aussi je n'insiste pas sur ce sujet.

En revanche, les chambres des officiers passagers sont toutes largement aérées et bien aménagées.

 

Poste des sous-lieutenants

Un poste pour les sous-lieutenants existe dans la batterie basse à l'arrière ; il est vaste, bien aéré par des sabords et il est de plus ventilé par le même appareil que celui qui existe dans la batterie basse. Malheureusement cet appareil, qui communique avec les manches à vent du pont, vient juste déboucher au-dessus d'un des lits ; il en résulte que l'officier qui couche dans ce lit, est exposé à recevoir sur le corps une douche d'air continuelle ; on aurait pu, il me semble, changer la direction de cette boite à ventilation, la couder, et la faire passer au-dessus de la porte d'entrée au lieu de la faire ouvrir juste au-dessus d'un lit. 

 

Carré des 3èmes

Le carré des passagers à la 3ème table est placé à bâbord dans le faux pont arrière et cette situation le rend bien inférieur au des 3èmes des nouveaux transports en Cochinchine, où il est situé dans la batterie basse à l'arrière. La lumière y est parcimonieusement distribuée par des hublots. Quant à l'aération, elle est assurée au mouillage par des hublots, et à la mer seulement par le panneau qui conduit dans ce carré ; elle est par suite tout à fait insuffisante ; aussi existe-t-il dans cette partie du bâtiment une odeur de renfermé qui est loin d'exciter l'appétit.

Cette odeur est non seulement désagréable, mais elle encore malsaine par les émanations qui se dégagent du coqueron du pourvoyeur, situé à tribord dans le faux-pont, juste en face le carré des 3èmes

 

Batterie haute   

La batterie haute comprend le logement de l’état-major à l'arrière, le logement des maîtres à l'avant. Entre ces deux parties se trouve un long et large espace, bien dégagé, destiné au logement des troupes passagères. Cette partie de la batterie eut gagné à être éclairée par un plus grand nombre de sabords et cette amélioration eut pu se faire sans amoindrir la solidité du bâtiment, puisque sur les transports de Cochinchine le nombre de sabords dans la batterie haute est près de deux fois plus considérable.

 

A notre voyage d'aller, la batterie basse étant encombrée de matériel, tous les passagers militaires n'ayant pas rang d'officier et au nombre de 468, ont été logés dans la batterie haute. Grâce au beau temps qui a favorisé notre traversé  sabords ont pu rester constamment ouverts et je n'ai pas eu à constater d'inconvénients bien sérieux de cet encombrement ; il en eut été probablement autrement si les sabords étaient restés fermés et dans ce cas le besoin d'un appareil a ventilation se serait fait vivement sentir.

 

Hôpital

Sur l'avant de la batterie haute à bâbord se trouve l'hôpital destiné aux malades appartenant à l'équipage. Cet hôpital est bien compris, largement aéré et éclairé par trois sabords ; il referme douze lits répartis sur deux plans, huit en bas et quatre en haut.

Cet hôpital est le seul qui ait été prévu sur les plans du bateau, aussi quand la destination de la Nive a été changée et quand elle a été affectée au service de la Cochinchine il a fallu songer à installer un second hôpital pour rendre le bâtiment propre à sa nouvelle affectation. On aurait pu pour remplir ce but copier intégralement les installations qui existent sur les transports de Cochinchine ; mais comme on ne supposait pas que le bâtiment dût rester aussi longtemps absent hors de France, on s'est contenté de faire du provisoire.

Un hôpital volant a été installé dans la batterie haute ; tout le côté bâbord depuis la coupée de milieu jusqu'au pied de la grue de bâbord a été affecté à cet usage. Un entourage de toile fixé au pont par un transfilage et allant de l'avant à l'arrière sur l'alignement du côté bâbord de la cage de la claire-voie de la machine et de l'entourage de la cheminée a clos cet hôpital.

Une salle de visite servant en même temps de pharmacie, de tisanerie et d'office pour la cuisine des malades a été prise sur cet emplacement. La partie restante a été spécialement affectée à l'hôpital proprement dit ; 70 lits répartis sur deux plans ont été montés dans cet hôpital. Le but que s'est proposé l'ingénieur chargé de ce travail a été de faire un hôpital susceptible d'être monté et démonté en quelques heures. Ce but a été certainement atteint, puisque à différentes reprises on a pu utiliser l'hôpital pour loger du matériel en cours de transport.

Reste à savoir maintenant si cet hôpital a bien été organisé en tant qu'hôpital, et bien, l'expérience a prouvé qu'il n'en était rien. D'abord la simple citation des dimensions de cet hôpital, qui mesure 24m de long sur 5.30m de large, suffit pour en démontrer l'exiguïté. L'aération est assurée par 3 sabords seulement ; elle serait donc absolument insuffisante si l'entourage en toile remontait exactement jusqu'au pont supérieur ; mais heureusement il n'en est rien : la toile à sa partie supérieure est séparée du pont par un espace vide de quelques centimètres de hauteur. Grâce à cette disposition l'aération peut se faire librement dans toute la partie avant et dans toute la partie arrière de l'hôpital. Il n'en est plus de même dans toute la partie du milieu ; ici l'aération manque complètement et la clarté encore plus. La température est très élevée et de 3 degrés plus haute que dans la partie avant ou dans la partie arrière de l'hôpital. En effet sur une longueur de 13,30m par le travers du tuyau de la cheminée et de la cage de la claire-voie de la machine, il n'existe aucun sabord ou hublot, la situation de la poulaine à ce niveau n'ayant pas permis de percer des orifices aératoires. C'est là un défaut capital de cet hôpital sur lequel je n'ai pas besoin d'insister. Avec un seul plan de couchage cela peut encore aller, mais quand les deux plans de couchage sont installés il est impossible d'y voir clair dans cette partie ; aussi quand les circonstances m'ont obligé à mettre en place une partie du 2ème plan de couchage j'ai dû toujours passer une visite en me faisant suivre d'une bougie allumée. Cela en dit assez pour démontrer que si à l'avenir le bâtiment restait affecté au transport des malades il y aurait là une sérieuse modification à apporter  pour supprimer cette cause d'étiolement des malades.

Dans la partie avant de cet hôpital 4 lits à roulis ont été installés pour recevoir des blessés graves et particulièrement des fracturés.

Cet emplacement à l'avant avait été choisi pour que la circulation fut plus libre dans l'hôpital. En effet, en raison de peu de largeur de l'hôpital, l'espace qui existe entre chaque lit à roulis est très étroit et il est par suite assez difficile de passer entre deux lits ; on a donc dû choisir pour placer ces lits l'endroit de l'hôpital où la circulation est la moins active, c'est à dire naturellement celle qui est située le plus loin de la salle servant de salle de visite, de pharmacie, de lingerie, etc...

Mais on n'a évité un inconvénient que pour tomber dans un autre auquel on n'avait d'abord pas songé primitivement : il s'agit des trépidations imprimées à ces lits par les grues à vapeur quand elles sont en marche. Ces trépidations sont d'autant plus sensibles que le pied de la grue de bâbord se trouve dans l'hôpital même or, si cela peut être indifférent pour un malade ordinaire, cela ne l'est certainement pas pour un malade atteint de fracture de jambe ou de cuisse ; et de fait tous les fracturés ayant occupé ces lits se sont plaints de cette trépidation, et chaque fois que la grue a marché j'ai observé chez eux des symptômes de fatigue ou de fièvre qui n'existaient pas au même degré les jours où la grue était au repos. Enfin je ferai remarquer que cette grue est une source constante d'humidité pour l'hôpital, un écoulement d'eau et de matières grasses ayant lieu constamment le long de son pied et ces liquides venant ensuite se déverser sur le pont inférieur de l'hôpital.

Dans cette revue critique des aménagements de l'hôpital j'ai cherché à démontrer qu'il pêche sous le rapport de l'éclairage, de l'aération et des dimensions. Mais il pêche encore bien plus par le petit nombre de lits qu'il renferme ; 70 lits c'est bien peu pour ramener des malades de Formose, du Tonkin et de la Cochinchine. Si led bâtiment continuait à faire le service qu'il vient de faire il serait donc urgent d'installer un hôpital plus vaste. Et à ce propos je ferai remarquer qu'il y aurait avantage au point de vue de l'aération à ce que cet hôpital occupât toute la largeur de la batterie. En effet, avec l'hôpital situé en abord et enclos de toile il y a souvent des courants d'air formidables très préjudiciables à la santé des malades. Ces courants d'air tiennent à ce que les sabords du côté tribord de la batterie ne sont pas munis de fenêtres ; par suite quand le vent vient du travers il entre largement par les sabords de tribord et par les panneaux et pénètre avec force  dans l'hôpital par l'ouverture laissée entre le bord supérieur de l'entourage en toile et le pont supérieur. Si à ce moment les bords de l'hôpital sont ouverts il en résulte dans la partie arrière de l'hôpital, surtout, un courant d'air très vil, qui est particulièrement sensible pour les lits du plan supérieur. Cet inconvénient s'est présenté très souvent, et il a été particulièrement désagréable à Keelung où la température s'est montrée assez basse. Pour l'éviter il faudrait que l'hôpital occupât toute la largeur de la batterie ; alors les sabords des 2 bords ayant des fenêtres il serait possible d'éviter ces courants d'air en fermant tous les sabords d'un côté et en ouvrant tous ceux du côté opposé.

J'ai signalé plus haut l'insuffisance du nombre d lits ; pour y remédier il a fallu pendant la traversé de retour, installer un poste en toile, occupant toute la partie du côté bâbord de la batterie située sur l'arrière de la coupée du milieu ; dans ce poste on a monté 35 lits en fer qui ont été donnés par l'hôpital d'Haï-Phong.

Les malades couchés dans ce poste ont été dans des conditions très heureuses sans le rapport de l'aération et de l'éclairage ; mais il faut remarquer que ces conditions eussent été bien différentes si notre navigation s'était effectuée dans des pays froids ; alors, en effet, les sabords de ce poste n'ayant pas de fenêtres les malades auraient été soumis à une douche froide très préjudiciable à leur santé.

Un autre poste en toile a été créé à tribord dans la batterie : on y a monté 10 lits et 18 cadres en toile.

En résumé pendant notre traversé de retour j'ai eu à ma disposition un total de 18 cadres et de 122 lits ; ces derniers se répartissaient ainsi :

- hôpital du bord, 12

- hôpital arrière, 51 (51 au lieu de 70 parce qu'en raison de la grande élévation de la température on n'a dû ne monter que la moitié seulement du 2ème plan de couchage)

_ poste en toile de bâbord, 35

- poste en toile de tribord, 10

- poste des sous-lieutenants dans la batterie basse, 14 (ce poste a servi à loger les adjudants et les sous-officiers malades).

Si la Nive était appelée de nouveau à transporter des malades, il serait à désirer qu'une nouvelle disposition des lits permit de faire le tour de chacun d'eux. Actuellement cela est impossible. Quatre malades sont couchés pour ainsi dire dans le même lit attendu que chacun n'est séparé de son voisin que par une simple planche.

 

Cette disposition est très fâcheuse à différents points de vue ; d'abord on est obligé de faire le tour de 4 lits à la fois, ce qui est très gênant pour l'inspection et l'exploration des blessés, surtout quand les 4 lits supérieurs sont montés au-dessus des 4 lits inférieurs.

Ensuite le voisinage d'un camarade de lit est toujours désagréable pour un malade surtout quand ce camarade est atteint d'une affection repoussante, quand il est sujet aux vomissements ou à la diarrhée avec selles involontaires. Je pense qu'il n'est pas besoin d'insister plus longtemps sur cette disposition des lits 4 par 4 et qu'il suffit de la signaler pour obtenir la modification.

Enfin pour le cas où le bâtiment ferait de nouveau les voyages de Cochinchine je signalerai la nécessité d'installer un cabanon pour les aliénés, de donner à la pharmacie un local distinct de

la salle de visite afin que les médicaments puissent être préparés pendant qu'on passe la visite des passagers non alités ; de créer une lingerie, qui n'est représentée maintenant que par de pauvres armoires placées dans la salle de visite. Il faudrait aussi qu'un endroit à part fut installé pour recevoir le linge sale d'hôpital : cela serait surtout nécessaire pour une campagne comme celle que nous venons de faire. A Keelung, en effet en raison de de la pluie qui tombe d'une façon presque perpétuelle il est très difficile de laver et de faire sècher le linge ; les draps sales s'accumulent donc, et aucun emplacement n'ayant été prévu au départ de france pour les loger, j'ai été obligé de les entasser dans un casson construit par les moyens du bord et placé sous la teugue ; il eut été plus logique de loger ce linge sale dans la partie du gaillard où se trouve la lessiveuse, mais cet endroit est déjà encombré par les deux percolateurs.

 

Nécessité d'une chambre mortuaire

La nécessité d'une chambre mortuaire s'imposerait également. Pendant la campagne chaque fois qu'il y a eu un décès on a été obligé de faire déposer la cadavre sous la teugue, endroit qui a paru le plus propice à cet usage en raison de sa large aération et de sa séparation du reste du bateau ; mais ce n'est là qu'un pis aller et il y aurait lieu de faire une installation spéciale.

 

Désinfection des effets des hommes décédés

Une dépêche ministérielle récente a prescrit la désinfection des effets de tous les hommes décédés à bord des bâtiments. Ces effets doivent être passés au four ou à l'étuve humide à une température d'au moins 100 degrés. Il serait à désirer qu'un appareil à désinfection fut installé sur les transports de malades où cette opération se renouvelle assez souvent. Il est en effet peu pratique de faire passer au four les vêtements des hommes décédés.

A bord de la Nive lors de chaque décès j'ai procédé à la désinfection des habits en les soumettant à une fumigation sulfureuse prolongée. Dans la  bouteille des dames passagères des cordes étaient tendues sur lesquelles on suspendait les habits à désinfecter ; le hublot était solidement vissé, le couvercle de la bouteille soigneusement fermé, la cuvette remplie d'eau ; sur un réchaud plein de charbon de bois allumé on versait 20 gr de fleur de soufre par mètre cube, on arrosait le tout avec de l'alcool et on fermait hermétiquement la porte en ayant soin de coller tout autour des bandes de papier pour en assurer l'occlusion parfaite. Cette bouteille n"était alors rouverte qu'au bout de 24h, après que les habits étaient lavés et aérés quand le temps le permettait.

Ces fumigations m'ont rendu d'autant plus de service que pendant les mois de janvier et de février la pluie a tombé continuellement à Keelung et que par suite il était impossible de se conformer immédiatement aux termes de la dépêche prescrivant de laver et de soumettre à une large aération les habits des hommes décédés.

 

Cuisine

- 1° de l'hôpital

La cuisine réservée pour les service des malades est absolument insuffisante : elle se compose de 3 trous pris sur le fourneau qui sert à faire la cuisine de l'équipage. Cette installation pouvait convenir alors qu'il n'y avait à bord qu'un hôpital de 12 lits, mais elle est beaucoup trop rudimentaire pour pouvoir cuire le manger d'un nombre de malades égal à celui que les transports sont appelés à rapatrier. Il est donc indispensable qu'une cuisine à part soit installée pour l'hôpital.

- 2° de l'état-major

Puisque j'en suis au chapitre des cuisines, je signalerai la situation défectueuse dans laquelle se trouve la cuisine de l'état-major. Cette cuisine est placée entre la cuisine de l'équipage sur l'avant et la cuisine du commandant sur l'arrière ; elle est donc comprise entre deux foyers de chaleur, et comme par le travers se trouve la poulaine de l'équipage il en résulte qu'elle ne peut pas recevoir d'air frais et qu'il y fait par suite une température incomparablement plus élevée que dans les 2 autres cuisines. Il mes emble qu'il serait possible de remédier en partie à cet inconvénient en installant une manche à vent qui aboutirait en haut sur la toiture du kiosque de la passerelle ; une pareille installation existe déjà d'ailleurs pour la cuisine de l'équipage, il suffirait d'en faire autant pour la cuisine de l'état-major.

 

Batterie basse

La batterie basse est aménagée pour recevoir des chevaux. Aucun animal de cet espèce n'ayant été embarqué à bord, il m'est impossible de dire que les installations établies ad hoc remplissent bien le but qu'on s'est proposé. Pendant la plus grande partie de la campagne cette batterie a servi à loger du matériel. Grâce à l'appareil à ventilation la température y a toujours été très fraîche et l'aération parfaite alors même que les sabords étaient fermés à la mer.

 

Machine

La disposition de la machine m'a paru très satisfaisante au point de vue de l'hygiène. La température a toujours été très supportable dans la chambre des machines : dans la chaufferie, la ventilation est parfaite : un seul endroit laisse à désirer, c'est la partie de la chaufferie qui répond à la chaudière auxiliaire ; là la température est insupportable quand cette chaudière est en fonction.

Les prisons sont spacieuses et bien aérées.

La cambuse et la magasin général ne laissent rien à désirer au point de vue de l'hygiène. Ce dernier cependant est parfois rendu humide par le fait du voisinage de la gatte placée au-dessus et dont le doublage en plomb est sujet à donner passage à des infiltrations d'eau.

La ventilation du bateau est en général assez bonne. Il me parait cependant qu'il eut été possible de la rendre meilleure en apportant de légères modifications aux installations déjà existantes.

Ainsi toutes les manches à vent de la dunette sont placées au-dessus de la tente de la dunette ; sur tous les autres transports elles dépassent cette tente d'une certaine hauteur, ce qui doit nécessairement faciliter la ventilation.

Sous le rapport de l'alimentation je n'ai rien de particulier à signaler.

Les vivres consommés par l'équipage ont été en général de bonne qualité. J'appellerai seulement l'attention sur les boeufs de Hong-Kong. Nous avons perdu à différentes reprises un assez grand nombre de ces animaux : l'examen des organes m'a démontré que plusieurs d'entre-eux avaient la pommelière et que chez la plupart le foie était rempli de douves.

L'eau qui a servi à l'alimentation a été d'abord l'eau de France et ensuite l'eau distillée : cette dernière a toujours été de bonne qualité.

M.Dautour, aide-pharmacien embarqué à bord de la Nive, a fait une analyse de l'eau de l'aiguade de la Baie d'Halong et une analyse de l'eau de l'aiguade de Matsou. Il résulte de ces analyses annexées à ce rapport que ces eaux présentent tous les caractères physiques et chimiques des eaux potables.

 

Histoire médicale de la campagne

1° Equipage

L'équipage de la Nive se composait au départ de 304 marins, plus 36 arabes recrutés à Port-Saïd ou à Aden. Cet équipage a été très souvent modifié dans sa composition depuis le départ de France du bâtiment, tant à cause du renvoi d'un certain nombre d'hommes congédiables que par le fait des permutations nombreuses, volontaires ou d'office effectivées par nos hommes avec les marins des autres bâtiments de l'escadre.

L'état sanitaire de l'équipage a été genéral très satisfaisant pendant toute la durée de la campagne. Le nombre des journées d'infirmerie ou d'hôpital à bord s'est maintenu chaque mois dans des proportions assez faibles, comme on peut en juger par la lecture du résumé N°4.

Cela est d'autant plus remarquable que tous les malades de l'éqipage ont été soignés à bord, les conditions de la navigation n'ayant pas permis en général de les envoyer à l'hôpital à terre,

J'ai eu à déplorer deux décès parmi l'équipage :

D'abord celui du matelot Lamour qui a succombé à une congestion cérébrale consécutive à une submersion. Ce homme est tombé l'eau le 22 mai 1884 au soir à la baie d'Halong ; il est resté au moins 6 ou 7 minutes dans l'eau et m'a été apporté à l'hôpital dans un état complet d'asphyxie. Au moyen de la respiration artificielle prolongée, des frictions stimulantes, etc... je suis parvenu à le faire sortir de cet état et à rétablir le rythme normal de la respiration. Mais le malade restait toujours sans connaissance et 3 heures après la sortie de l'eau la température axillaire montait à 40°7. Le lendemain 23 mai le malade a eu des crises convulsives à forme cloniques pendant toute la journée, qui ont résisté aux différents moyens employés (sangsues derrière les oreilles, chloral en lavement, bromure de potassium). Le 24 le malade est tombé dans le coma et il a succombé dans la matinée sans avoir repris connaissance.

Le second décès a été celui de notre second maître armurier qui a succombé à la maladie qu'on appelle à Keelung, accès algide. Tombé malade le 7 février 1885, alors que des cas semblables existaient déjà à terre depuis longtemps, cet homme est mort le 15 février 1885 en pleine réaction typhoïde : il a présenté des phénomènes d'algidité, de la diarrhée, de l'anurie, des crampes, puis la réaction typhoïde est survenue en se compliquant d'apoplexie pulmonaire. Dès le début de l'affection le malade a été isolé et après la mort les objets contaminés ont été détruits.

Six hommes de l'équipage ont été renvoyés en France pour raison de santé :

1° le nommé Pons, élève mécanicien. Cet homme avait été embarqué la veille de notre départ de Toulon. Il était déjà fortement anémié par le fait de sa profession. P22 et ensuite par le fait d'une syphilis secondaire, lorsque le 27 mars 1884 il fut atteint d'une pneumonie aigüe. En raison du mauvais été général de ce malade je pensai que son rétablissement serait très lent et qu'il ne pourrait pas par suite rendre des services à bord d'ici longtemps ; de plus la traversée de la mer Rouge au mois d'Avril pouvait petre dangereuse pour lui ; aussi je profitai de de le rencontre du transport l'Européen à Port-Saïd pour l'évacuer et lui donner ainsi le moyen de rentrer en France.

Au moment où la Nive a été mise à la disposition de l'Amiral Courbet pour rester définitivement en Chine, j'ai renvoyé par le Tonkin avant notre départ de la baie d'Halong :

2° le nommé Queriel, second-maître de timonerie atteint de bronchite chronique.

3° notre premier maître charpentier atteint d'anémie tropicale très prononcée

4° au mois de septembre 1884, j'ai renvoyé en France M. Le Marquand, sous commissaire embarqué à bord de la Nive. Cet officier avait eu déjà plusieurs atteintes de dysenterie, d'abord à la suite d'un voyage fait en Cochinchine sur l'Annamite, ensuite pendant le cours d'une campagne en Chine sur le Kergelen. Lors de notre départ de France il paraissait dans un état de santé satisfaisant, mais en arrivant à Saïgon il fut repris d'une nouvelle atteinte de dysenterie ; grâce à un régime sévère il parut d'abord se rétablir, mais le retour à l'alimentation ordinaire ne put pas s'effectuer complètement le malade restait sujet à des alternatives de diarrhées et de constipations l'amaigrissement faisait des progrès aussi me suis-je résolu à présenter cet officier au conseil de santé qui a jugé nécessaire de le renvoyer en France.    

Au mois de décembre 1884 j'ai envoyé à l'hôpital de Saïgon, notre premier mécanicien. Cet homme étant atteint depuis longtemps de dyspepsie stomacale, mais depuis notre départ il était en outre devenu sujet à des accès fréquents de vertige stomacal. Craignant qu'un jour ou l'autre il ne fut pris d'un de ces accès de vertige dans un endroit dangereux de la machine, j'envoyai cet homme à l'hôpital de Saïgon au mois de septembre ; le conseil de santé de la colonie le renvoya en France.

Je faisais remarquer un peu plus haut que l'état sanitaire de l'équipage avait été en général assez satisfaisant ; et cependant le service a été très pénible à bord en raison des circonstances dans lesquelles nous nous trouvions. l'équipage a été employé à Keelung à décharger tous les paquebots affrétés par l'état ou apportant du matériel pour l'état ; ce matériel était ensuite embarqué à bord de la Nive qui servait de bâtiment magasin puis débarqué ensuite au fur et à mesure des besoins des différents bateaux de l'Escadre. Tout ce service a été effectué par notre équipage dans un pays ou la pluie tombe continuellement, où la rade est très mauvaise, où par suite les corvées en canot sont très pénibles et très fatigantes. Le bâtiment étant resté constamment sous pression, sans éteindre les feux le personnel de la machine a eu un surcroit de besogne considérable ; le treuil à vapeur n'a pas cessé de fonctionner chaque fois que le bâtiment s'est trouvé au mouillage ; les canots à vapeur ont été sous les feux presque jour et nuit ; l'appareil distillatoire a travaillé à faire de l'eau non seulement pour le bord mais encore pour le corps expéditionnaire à terre. Il y a donc lieu de se féliciter que malgré ces travaux excessifs le nombre des malades n'ait pas été plus considérable ; mais il faut aussi se demander si c'est état satisfaisant se serait maintenu dans le cas où la campagne aurait duré un an de plus ; tout me porte à croire qu'il n'en aurait pas été ainsi, car il est facile de constater maintenant un état général de fatigue très prononcé dans l'équipage et accentué surtout dans le personnel de la machine. Après ces considérations générales voici quelques détails sur les maladies observées à bord.

Les affections chirurgicales dominantes ont été les furoncles produits par la chaleur et la malpropreté inséparables des travaux de chargement et déchargement du charbon, par la difficulté que l'équipage a rencontré par le fait du climat à laver et à faire sécher son linge. Ensuite viennent les plaies dues aux travaux de force, les piqûres de moustiques et les abcès des glandes sudoripares de l'aisselle (hydrosadénite de Verneuil)  

 

Peu d'accidents graves à déplorer dans le cours de la campagne

A Cherbourg,  dans l'arsenal, un matelot de pont nommé Mériel, a fait, étant pris de vin, une chute du haut du quai dans un chaland, et s'est fracturé une cote ; il a été conduit à l'hôpital et débarqué.

A Keelung, lors du déchargement du paquebot le Cholon, un matelot, nommé Grosvallet, qui se trouvait dans un canot amarré le long du bord, a été blessé à la jambe par une caisse. Il en est résulté une fracture simple du péroné qui a très bien guéri.  

En arrivant à la baie d'Halong le 9 mars 1885, un matelot voilier appelé Hanter, étant occupé à vider les escarbilles a eu les deux derniers doigts de la main droite pris dans la poulie de la machine à monter les escarbilles ; la 3ème phalange du petit doigt a été fracturée, l'articulation qui réunit la 2ème à la 3ème phalange de l'auriculaire a été largement ouverte, les ligaments internes de l'articulation ayant été déchirés complètement. Grâce à l'irrigation continue et aux pansements anti-septiques les deux doigts ont pu être conservés.

 

Dans le domaine de la clinique interne, je signalerai le très petit nombre de fièvres paludéennes observées sur l'équipage, malgré nos différents passages à Saïgon et malgré les corvées exécutées à terre dans les différents points de la rade de Keelung. P26

Un seul cas de fièvre pernicieuse chez un arabe d'Aden.

Les affections de poitrine ont été plus nombreuses, ce qui peut s'expliquer par l'humidité énorme dans laquelle nos hommes ont vécu pendant les séjour de la Nive à Keelung, par les refroidissements brusques rendus plus faciles par la transpiration consécutive aux grands travaux de force, par les transitions brusques de température, inséparables de nos voyages alternatifs entre Saïgon et le nord de Formose. Sept pneumonies ont été observées dans l'équipage. Un des malades porteurs de cette affection a ét renvoyée en France de Port-Saïd, par l'Européen, j'en ai déjà parlé plus haut. les Dix autres pneumoniques ont parfaitement guéri sans présenter dans la marche de leur maladie aucune particularité digne d'être notée. Deux pleurésies seulement se sont produites : elles ont très bien guéri. Les autres affections thoraciques ont été sans importance.

J'ai observé un cas seulement de fièvre typhoïde dans notre équipage, peu après notre départ de Toulon : il a évolué favorablement. Un seul cas de rougeole s'est produit dans notre équipage pendant le voyage d'aller et cela est d'autant plus remarquable que qu'au même moment j'en observais 19 chez les passagers ; il a très bien guéri. Pendant notre séjour à Saïgon au mois de décembre 1884, j'ai observé un cas de variole chez un matelot du bord. Cette variole avait été manifestement contractée à Saïgon où elle régnait à ce moment, car il n'en était à cette époque aucun à Keelung d'où nous venions. Ce malade a été aussitôt envoyé à l'hôpital de Saïgon où il a guéri . Ce cas heureusement a été un cas isolé.

Un seul homme de l'équipage a été atteint de tænia inerme ; mais j'ai au contraire très fréquemment rencontré ce parasite chez des soldats ou des matelots passagers, j'en suis venu à bout très facilement et très durement au moyen de la pelletiérine.

     

Quatre cas d'accès algide se sont produits dans notre équipage : l'un d'eux s'est terminé par la mort, c'est celui de notre second-maître armurier, dont j'ai déjà parlé plus haut ; les 3 autres n'ont été que des formes atténuées de la maladie et se sont terminés par la guérison.

 

2° Passagers

La Nive est partie de Toulon le 20 mars 1884 avec 555 passagers, dont 492 passagers militaires. Ces derniers se répartissaient ainsi :

1° pour Saïgon :

artilleurs - 29

Soldats d'infanterie de marine - 118

matelots - 2

sous-officiers - 10

officiers - 11

2° pour le Tonkin

Soldats d'infanterie de marine - 279

matelots - 15

sous-officiers - 15

officiers - 13

A ces passagers militaires étaient joints 56 passagers civils et 7 agents du pourvoyeur.

La batterie basse était encombrée de matériel en cours de transport, les soldats les matelots, les passagers, et le passagers à la ration ont été logés dans la batterie haute.

Le jour du départ un soldat d'infanterie fut atteint d'un point de coté qui devait être le prélude d’une pleurésie. Cette affection a évolué d'une façon normale, et le malade était guéri en arrivant au Tonkin.

Le 27 mars 1884 un autre militaire était atteint d'une pneumonie à droite ; c'était un homme fatigué et usé par un séjour antérieur au Sénégal où il avait contracté des accès de fièvre paludéenne. sa constitution était donc loin d'être vigoureuse et ne permettait pas d'espérer un rétablissement prompt et bien complet. Aussi ai-je jugé prudent en arrivant à Port-Saïd d'évacuer cet homme, sur l'Européen qui à ce moment rentrait en France.

Le 1er avril 1884, dans la mer Rouge, la femme d'un conducteur des ponts et chaussées  est accouchée d'une fille. Cette femme en était à son 3ème enfant ; la présentation et la position étaient bonnes, il s'agissait d'une OIGA. L'accouchement a donc été tout à fiat naturel. Les suites de couches ont d'abord été bonnes, mais le 8ème jour après l'accouchement des symptômes de métrite se sont développés à la suite d'une imprudence faite par la femme. Grâce au repos et à un traitement simple cette métrite a pu être modérée et la femme allait bien lorsqu'elle a débarqué à Saïgon.

Du 3 au 22 avril 1884, j'ai assisté au développement,nt d'une petite épidémie de rougeole ; pendant cet intervalle de temps 20 cas se sont présentés parmi lesquels un seul s'est produit dans l'équipage. Les enfants étaient au n ombre de 6 à bord : 3 seulement ont été atteints et encore ils n'ont pas été pris les premiers : un d'entre eux avait déjà eu la rougeole deux mois auparavant.

Cette petite épidémie a été d'une bénignité remarquable : tous les cas ont été guéris sans complication. La maladie bien que se rapprochant beaucoup du type normal, en a différé cependant par certains caractères. Ainsi la période fébrile avant l'éruption a été en général de très courte durée. L'éruption s'est montrée presqu'en même temps que la fièvre ; elle est apparu en premier lieu tantôt sur la face dorsale des mains, tantôt sur la figure ; elle a été surtout très marquée au niveau des extrémités, et les parties découvertes ont été plus gravement atteintes que le reste du corps, comme si l'action du soleil avait eu une influence prépondérante sur la localisation de l'éruption. Il y a un e élévation très grande de la température au moment de l'éruption et une durée très courte de cetet période fébrile : ainsi la fièvre a été pour ainsi dire nulle dans un cas ; elle a duré 2 jours dans 4 cas, 3 jours dans 5 cas, 4 jours dans un cas, 5 jours dans 5 cas, 6 jours dans 3 cas.     

       

Le 14 avril 1884 un soldat d'infanterie de marine s'est présenté à la visite avec des symptômes de fièvre typhoïde au début. Pendant tout le cours de sa maladie, cet homme a toujours eu des températures excessivement élevées, plutôt au-dessus qu'au dessous de 40°. La diarrhée a été très abondante dès le début, et le malade a eu presque constamment des selles involontaires.

L'état typhoïde a été très marqué. Les poumons ont été envahis presque dès le début de la maladie par une congestion intense. La constitution du malade était d'ailleurs loin d'être vigoureuse  : il était dans un grand état de maigreur, aussi n'a-t-il pas pu résister aux étreintes de la maladie ; il a succombé dans une syncope le 24 avril 1884 le jour même de son arrivée à Saïgon.

 

Le 24 avril 1884, quand la Nive a remonté la rivière de Saïgon, le choléra existait depuis quelques temps déjà en Cochinchine, aussi le gouverneur n'a-t-il pas voulu que le bâtiment vint mouiller à Saïgon, même et ordre a été donné à la Nive de mouiller à 8 milles de Saïgon, dan la rivière. Les passagers et le matériel ont été débarqués dans des chalands amenés le long du bord. Le commandant et les officiers sont seuls allés jusqu'à Saïgon. le 26 avril 1884 la Nive a quitté Saïgon pour se rendre au Tonkin : elle est arrivée en baie d'Halong le 29 avril dans un état sanitaire qui ne laissait rien à désirer. Malgré cela une quarantaine d'observation de 5 jours nous a été infligée à la baie d'Halong parce que le commandant et les officiers avaient communiqué avec Saïgon. A l'expiration de cette quarantaine le 5 mai 1884 les passagers et le matériel pour le Tonkin ont été débarqués.

  

Arrivée dans la baie d'Halong le 29 avril 1884, la Nive a stationné dans cette rade jusqu'au 28 juillet 1884 ; pendant ce séjour elle a recueilli et soigné dans son hôpital tous les malades atteints d'affections un peu graves et provenant de la Division du Tonkin.  

Pendant le mois de mai, après la levée de la quarantaine et le débarquement des troupes venant de France, c'est à dire à partir du 5 mai 1884, la Nive a traité dans son hôpital 12 malades ou blessés provenant de différents bateaux de la division.  Au point de vue de leurs maladies ces malades se répartissaient ainsi :   

Blessés : 1

Fièvre typhoïde : 1

Fièvre inflammatoire : 1

Dyspepsie : 1

Diarrhée : 3

Congestion du foie : 2

Bronchite chronique : 1

Rhumatisme : 1

 

Sur ces 12 malades il y a eu un décès par fièvre typhoïde, 3 malades ont été guéris dans le courant du mois et embarqués sur le Tonkin pour effectuer leuir retour en France, 1 malade n'était pas guéri à la fin du mois.

Le malade mort de fièvre typhoïde était un matelot de l'Atalante ; il avait contracté cette affection à Thuan-An. Soigné d'abord sur son bâtiment puis sur le Bayard, puis sur la Saône, cet homme avait été envoyé à bord de la Nive, le 7 mai dans un état désespéré ; lors de son arrivée à bord son état était très mauvais ; il y avait de plus des complications thoraciques graves, congestion pulmonaire généralisée et pleurésie unilatérale ; aussi ce pauvre malade n'a-t-il pas tardé à succomber à sa maladie ; il est mort en effet le 9 mai 1884, c'est à dire deux jours après son arrivée à  bord. Comme particularité intéressante à relater je signale l(hypothermie considérable qui s'est produite chez ce malade quelques heures avant la mort j'ai observé une température axillaire de 43°2.

Pendant le mois de juin, 19 nouveaux malades étrangers au bord sont entrés dans notre hôpital : 9 de ces malades appartenaient aux différents bateaux de l'escadre, les 10 autres étaient des militaires provenant de l'hôpital de Hai-Phong, qui qui les avait évacués vers la Nive, pour leur permettre d'effectuer leur retour en France. Ces 19 malades se répartissaient ainsi au point de vue de leurs maladies :

Plaies simples : 4 

Congestion de foie : 1

Dysenterie : 9

Diarrhée chronique : 2

Fièvre cambovirale : 1

Bronchopneumonie : 1

 

Un malade n'était pas encore guéri à la fin de mai, j'ai donc eu à soigner 1+19 = 20 malades étrangers au bord pendant le mois de juin. Sur ces 20 malades 1 décès a eu lieu chez un soldat par suite de diarrhée  chronique, 2 jours après l'arrivée de ce malade à bord de la Nive - 5 malades ont été guéris dans le courant du mois et renvoyés à leur bord - 14 malades ont été débarqués de la Nive lorsqu'il a été décidé que ce bâtiment ne rentrerait pas en France et embarqués sur le transport le Tonkin.

Pendant le mois de juillet, 3 novices passages ont été exemptés de servioce pour plaies au pied.

Le 28 juillet 1884 la Nive a quitté la baie d'Halong pour se rendre au mouillage de l'ile Matsou. Là, elle a continué à recevoir et soigner les malades provenant des différents bateaux de l'escadre de l'Extrême-Orient.

Pendant le mois d'aout, 19 malades étrangers au bord ont été soignés à l'hôpital de la Nive - les malades pouvaient se répartir ainsi au point de vue de leur maladies.

 

Blessés par arme à feu le 6 août à Kelung : 8

Furoncles : 3

Plaies simples : 1

Fièvre typhoïde : 1

Dysenterie : 2      

Bronchite chronique : 1

Abcès du foie : 1

Cirrhose du foie : 1

Albuminurie : 1

 

Sur ces 19 malades 3 ont été guéris dans le courant du mois, 2 ont été débarqués et embarqués sur les bâtiments de l'escadre auxquels ils étaient destinés - 13 n'étaient pas encore guéris à la fin du mois - 1 décès a eu lieu à bord (un quartier-maître mécanicien du Villars, fortement entaché de cachexie(3) paludéennes a succombé à bord le 21 août après un séjour de 11 jours dans notre hôpital, avec des symptômes équivoques d'abcès du foie profond. 

Sur les 13 malades non guéris à la fin août, 4 ont guéri en septembre et 9 ont été déposés à l'hôpital de Saïgon le 11 septembre.

 

Des 8 matelots blessés à Keelung le 6 août 1884, 4 ont guéri rapidement, et ont pu rejoindre leur bord au bout de peu de temps, 4 ont été déposés à l'hôpital de Saïgon, le 11 septembre.

 

Du 1er au 11 septembre 15 nouveaux malades étrangers au bord ont été traités à l'hôpital de la Nive.

Savoir :

Blessés de la Rivière Min (Fou-Tchéou) : 9

Arthrites du genou : 2

Hémorragie rétinienne : 1

Adénite inguinale ancienne : 1

Dysenterie : 1

Vertiges : 1

 

le 3 septembre la Nive a quitté Matsou, pour se rendre à Saïgon en passant par Hong-Kong. En arrivant à Saïgon, le 11 septembre 1884, j'ai déposé à l'hôpital, 24 malades pouvant se répartir ainsi :

Blessés à Keelung : 4

Blessés de la Rivière min : 9

Arthrites du genou : 2

Hémorragie rétinienne : 1

Adénite inguinale : 1

Vertiges : 1

Dysenterie : 2

Bronchite chronique : 1

Albuminurie : 1

Fièvre typhoïde : 1

 

Le 20 septembre la Nive a quitté Saïgon avec 993 soldats d'infanterie de marine ou artilleurs et 200 coolies annamites destinés à former une partie du corps expéditionnaire de Formose et elle s'est rendue directement à Matsou pour y rejoindre l'Amiral.

Du 20 au 30 septembre, 25 militaires passagers ont été soignés à l'hôpital du bord ; 9 ont été guéris dans le courant du mois - 16 n'étaient pas encore guéris à la fin du mois,  2 coolies annamites sont morts, l'un de dysenterie hémorragique, l'autre de fièvre continue pernicieuse.

Après avoir été rejoindre l'Amiral Courbet à Matsou, la Nive s'est rendue à Keelung avec l'escadre.

Les troupes ont été débarquées le 1er octobre, au matin à Keelung, et ont commencé dès ce jour les opérations militaires contre les chinois. les blessés provenant de cette opération ont été pansés provisoirement sur le champ de bataille et évacués de suite sur la Nive au nombre de 14 dans la journée du 1er octobre. Un de ces blessés le nommé Abadie, qui avait une plaie pénétrante de l'abdomen au niveau de l'hypochondre droit a succombé à bord, le soir même du combat à 4h de l'après-midi.

Le 11 octobre , 2 de ces blessés ont été évacués sur le Tarn, tous les autres ont continué à être soignés à bord, parmi eux 5 ont guéri avant que la Nive ne quittat Keelung. les 6 autres ont été déposés par la Nive à l'hôpital de Saïgon, le 21 novembre.

    

Un peuy plus tard, le 8 octobre, a eu lieu le combat de Tamsui ; 20 des blessés provenant de cette opération militaire ont été soignés à bord de la Nive, et parmi eux 2 officiers, Mr. Deman, enseigne de vaisseau, blessé légèrement à la jambe et mr Roland, aspirant de 1ère classe, blessé à la fesse. Un matelot du Chateau-Renaud, blessé à ce combat et apporté à bord de la Nive le 9 octobre au matin a succombé dans la nuit du 9 au 10 octobre à une fracture du crâne étendue produite par une balle ; cet homme n'avait pas repris connaissance depuis le moment où il avait été blessé jusqu'à sa mort.

Huit de ces blessés de talmsui ont rejoint leur bord lors du départ de la Nive de Keelung, le 9 novembre, leur guérison étant assez avancée pour cela ; les 11 autres ont été déposés à l'hôpital de Saïgon par la Nive le 21 novembre.

Pendant les premiers temps qui ont suivi la prise de Keelung, le 1er octobre, la Nive a reçu dans son hôpital tous les malades fiévreux du corps expéditionnaire de formose. A la fin octobre un hôpital ayant été installé à terre, dans les magasins de la douane chinoise, la Nive n'a plus reçu que le trop-plein de cet hôpital ; comme par le passé elle a continué à recevoir tous les malades provenant des différents bateaux de l'escadre.

Du 1er au 31 octobre, 98 nouveaux malades étrangers au bord ont été soignés à l'hôpital de la Nive, savoir 69 soldats ou artilleurs, 23 marins de l'escadre, 6 coolies du corps expéditionnaire. Ces malades se répartissaient ainsi du point de vue de leurs affectations :

Blessés de Keelung : 14

Blessés de Tamsui : 20

Blessés ordinaires : 14

Vénériens : 2

Bronchites : 5

Pneumonies : 10

Fièvres paludéennes : 7

Diarrhées : 9

Dysenterie : 14 

Fièvre typhoïde : 1

Rhumatisme : 1

Insolations : 1

 

Je feria remarquer la fréquence des pneumonies pendant ce mois d'octobre. Toutes ont évolué favorablement à l'exception d'une seule   

 qui s'est terminée par la mort ; il s'agissait dans ce cas d'une pneumonie développée chez un coolie annamite ; cet homme déjà usé part l'abus de l'opium quand il est tombé malade ; chez lui l'affection s'est étendue des deux côtés de la poitrine et il a succombé dans l'asphyxie. Ces pneumonies ont été évidemment produites par le fait des intempéries auxquelles les troupes ont été soumise pendant les premiers jours qui ont suivi leur débarquement ; celles-ci ont dû, en effet, camper en plein air, dans la boue, sous la pluie, sans autre abri que la tente. Quant aux diarrhées et aux dysenteries assez nombreuses également pendant le mois d'octobre, elles ne doivent pas être imputées au climat de Keelung, car les hommes qui les ont présentées venaient de Saïgon, où ils avaient contracté ces affections. 

Nous avons vu que 16 malades passagers en traitement à bord de la Nive n'étaient pas encore guéris à la fin de septembre. J'ai donc eu à soigner pendant le mois d'octobre 16+98=114 malades passagers. Sur ces 114 malades : 8 ont été évacués sur le Tarn, qui rentrait à ce moment là en France - 3 sont morts (1 annamite par pneumonie double- 1 soldat blessé à Keelung , par plaie pénétrante de l'abdomen - 1 matelot blessé à Tamsui, par fracture du crâne) - 54 ont été guéris dans le courant du mois - 49 n'étaient pas encore guéris à la fin du mois.

Du 31 octobre au 9 novembre la Nive a reçu 59 nouveaux malades étrangers au bord , savoir : 7 matelots de l'escadre - 1 officier d'artillerie de terre, Mr Naud - 1 capitaine d'infanterie de marine, Mr Casse - 49 soldats d'infanterie de marine - 1 civil anglais, fait prisonnier de guerre sur la canonnière Fe-Hou. Ces matelots se répartissaient ainsi du point de vue de leurs affections :

Dysenterie : 8

Fièvre typhoïde : 15

Anémie : 24  

Bronchite chronique : 6

Pleurésie : 1

Pneumonie : 1

Diarrhée chronique : 1

Plaies ordinaires : 3

 

Au 1er novembre il restait encore 49 malades qui n'avaient pas été guéris dans le mois précédent ; du 31 octobre au 9 novembre j'ai donc eu à soigner 49+59 = 108 malades. Du 31 octobre au 9 novembre il y a eu 19 guérisons : 89 malades n'étaient pas guéris.

 

Le 10 novembre la Nive a quitté Keelung pour se rendre à Saïgon ; elle avait à bord 89 malades dont 72 fiévreux et 17 blessés par arme à feu - 3 décès sont survenus pendant la traversée, tous trois dus à la fièvre typhoïde.

 

Le 12 novembre a succombé le soldat Fontvieille, atteint de fièvre typhoïde.

Le 13 novembre a succombé Mr Naud, lieutenant d'artillerie de terre. Cet officier était déjà dans un état de santé très grave quand il a été embarqué sur la Nive pour effectuer son retour à Saïgon : il était en pleine fièvre typhoïde, il venait d'avoir une hémorragie intestinale assez sérieuse et il avait de plus une parotidite suppurée à gauche ; 2 ouvertures au bistouri lui avaient été faites au niveau de la région parotidienne et elles donnaient issue à une énorme quantité de opus très fétide. Pendant son séjour à bord Mr Naud a eu une nouvelle petite hémorragie intestinale qui n'a fait qu'accroître la faiblesse profonde dans laquelle il se trouvait déjà ; enfin le 13 novembre 3 jours après son embarquement à bord de la Nive, cet officier s'est éteint sans aucune souffrance.

 

Le corps de Mr Naud a été conservé à bord jusqu'à notre arrivée à Saïgon de façon à ce que les honneurs militaires puissent lui être rendus à terre ;

j'ai injecté le corps par la carotide avec 4 litres d'une solution de sublimé corrosif dans l'eau de vie de cambuse (solution à 2%) ; après l'injection le corps a été renfermé dans un cercueil de plomb doublé d'un cercueil en bois ; l'espace laissé libre entre le corps et la paroi du cercueil a été comblé avec du charbon de bois en poudre mélangé de sulfate de fer. Grâce à ces précautions la conservation a été excellente.

Le 15 novembre, jour de notre arrivée au cap St Jacques, le soldat Journeau a succombé également à la fièvre typhoïde.

La Nive est donc arrivée à Saïgon avec 86 malades seulement. Le matin même du jour où elle allait arriver au Cap St Jacques 2 cas de cholérine très légère se sont déclarés à bord, l'un chez un soldat renvoyé pour Anémie et Dysenterie chronique, l'autre chez un ouvrier mécanicien du bord atteint de diarrhée chronique depuis longtemps déjà. Les deux cas ont été caractérisés par des crampes, de l'anémie et des selles riziformes mais chez aucun d'eux il n'y a eu de cyanose ni d'algidité : la température s'est toujours maintenue dans les environs de la normale. Une observation suivie des malades m'a permis de reconnaître qu'il s'agissait là moins d'une cholérine franche que d'accidents cholériformes survenus dans le cours d'une dysenterie, comme cela a été signalé par plusieurs auteurs et en particulier par Béranger-Féraud dans son traité de la dysenterie. Mais en arrivant au cap St Jacques je ne pouvais pas prévoir qu'elle serait l'issue de ces 2 cas et j'ai dû déclarer à la santé l'existence à notre bord de 2 cas de cholérine sans gravité. Une quarantaine de 5 jours nous a alors été infligée, pendant laquelle le bâtiment est resté mouillé aux Forts du Sud. Pendant ce temps mes 2 malades se sont parfaitement rétablis.

Le 21 novembre, la quarantaine ayant été levée, j'ai évacué sur l'hôpital de Saïgon 86 malades passagers, savoir :

Blesés de Keelung : 6

Blessés de Tamsui : 11

Plaies ordinaires : 4

Rhumatisme : 1

Anémie tropicale : 24        

Cachexie paludéenne : 1

Fièvre paludéenne : 1

Fièvre continue : 1

Fièvre typhoïde : 12

Pneumonies : 5

Pleurésie : 1

Bronchites chroniques : 5

Dysenterie : 12

Diarrhées : 2

 

Du 21 novembre au 10 décembre la Nive a séjourné à Saïgon.

Le 25 novembre un passager civil, de nationalité anglaise, Mr Samuel Hancock, qui avait été fait prisonnier de guerre sur la canonnière chinoise le Fe-Hou, a succombé à bord de la Nive à une tuberculose pulmonaire, qui depuis déjà longtemps en était arrivé au dernier degré.

Le 11 décembre la Nive a quitté Saïgon pour retourner à Keelung en passant par Hong-Kong. Elle est arrivée à Keelung le 26 décembre. Pendant le mois de décembre 22 passagers, appartenant aux bâtiments de l'escadre, ont été soignés à bord. Au point de vue de leurs maladies ils pourraient être classés de la façon suivante :

Furoncles : 2

Plaies simples : 9

Lymphangite : 1

Hygroma : 1

Chanvre : 1

Diarrhée : 2

Constipation : 2

Dysenterie : 2

Embaras gastrique : 1

Fièvre : 1

Aliénation mentale : 1

 

Sur ces 23 malades, 18 étaient guéris à la fin du mois - 1 aliéné, provenant de l'Atalante, était évacué sur le Vinh-Long - 1 matelot incomplètement guéri était débarqué - 3 malades n'étaient pas encore guéris à la fin du mois.

Pendant le mois de janvier 1885, 102 malades étrangers au bord sont entrés dans notre hôpital ; 14 de ces malades m'ont été envoyés par les différents bateaux de l'escadre - 88 provenant de l'hôpital de Keelung, qui, se trouvant encombré, avait dû faire cette évacuation sur la Nive. Ces malades pouvaient se classer ainsi au point de vue de leurs affections :

Dysenterie : 1

Accès algide : 1

Fièvre typhoïde : 1

Fièvre : 3

Anémie : 28

Bronchite : 1

Bronchite chronique : 2

Diarrhée : 19

Angine : 1

Typhlite : 1

Rhumatisme : 2

Blessé par arme à feu : 22

Contusion : 4

Fractures anciennes : 1

Plaies ordinaires : 4

Abcès à l'aisselle : 1

Panaris : 2

Adénite : 1

Hématocèle : 1

Entorse : 3

Hernie : 1

Ostéite : 1

Syphilis : 1

 

En y comprenant les 3 malades qui n'étaient pas encore guéris à la fin de décembre, j'ai eu à soigner pendant le mois de janvier un total de 105 malades, sur les quels : 11 ont guéri dans le courant du mois, 20 ont été évacués de la Saone, 1 est décédé à bord, et 73 n'étaient pas encore guéris à la fin de janvier.

Le malade qui est mort à bord dans le courant de janvier était un soldat de la légion étrangère, appelé Hérault. Cet homme m'avait été envoyé par l'hôpital de Keelung avec le diagnostique Dysenterie. Le lendemain de son arrivée à bord, le 28 janvier à 11h du matin, il était pris de crampes très vives dans les membres inférieurs et au niveau du creux épigastrique, de refroidissement, de selles aqueuses avec débris riziformes, de soif vive, d'anurie. Pendant toute la journée du 28 au 29 ces phénomènes n'ont pas discontinué, et le malade est mort le 29 janvier à 11h du matin avec un abaissement énorme de la température, puisque une heure avant la mort le thermomètre marquait 34°8 dans l'aisselle.

C'est en vain que j'ai essayé de lutter contre ces différents symptômes par les potions Barallier, les lavements de vin chaud, les injections sous-cutanées d'éther répétées jusqu'à 10 ou 12 fois dans les 24 heures, les frictions stimulantes , les moyens de réchauffements artificiel.  Rien n'y a fait : cet homme a succombé à l'affection qui porte à Keelung le nom d'accès algide. J'ai appris, depuis, que peu de jours avant son embarquement à bord cet homme avait déjà eu à l'hôpital à terre une première atteinte d'accès algide. Pas n'est besoin d'ajouter qu'aussitôt après la constatation des premiers symptômes alarmants décrits plus hauts j'ai fait isoler ce malade : un lit a été monté sous la teugue ; les habits portés par cet homme ont été détruits ainsi que tous les objets qui avaient été maculés par les déjections.

Pendant le mois de février 102 nouveaux malades sont entrés à l'hôpital à bord. Sur ce nombre, 22 m'ont été envoyés par les divers bateaux de l'escadre - 80 provenaient de l'hôpital de Keelung, qui, pour raison d'encombrement, avait été obligé de faire cette évacuation sur la Nive.

Ces 102 malades pouvaient se répartir ainsi :

Dysenterie : 5

Cachexie palustre : 7      

Fièvre paludéenne : 6

Accès algides : 3

Plaies par arme à feu : 22

Luxation ancienne : 1

Fracture du radius : 1

Arténite : 1

Fièvre typhoïde : 2

Fièvres : 10

Anémie : 10

Bronchite : 1

Bronchite chronique : 5

Diarrhée chronique : 17

Rhumatisme : 2

Pleurésie : 2

Albuminurie : 1

Congestion du foie : 1

Aliénation mentale : 1

Névropathie : 1

Hydrarthrose : 1

Varices : 1

Nécrose du gros orteil : 1

 

En y comprenant les 73 malades non guéris à la fin de janvier j'ai donc eu à soigner 175 malades pendant le mois de février.

Sur ce nombre 23 ont été guéris dans le courant de février - 14 sont partis par le paquebot à destination de Saïgon - 5 sont morts à bord de la Nive - 133 n'étaient pas encore guéris à la fin du mois.

Trois de ces décès concernent des militaires atteints depuis longtemps de diarrhée chronique et qui ont succombé à cette affection.

Un autre décès s'est produit chez un matelot du Bayard, nommé Trevedie, dans les circonstances suivantes.

Cet homme était très bien portant le 4 février ; le 5 au matin il se présente à la visite se plaignant de faiblesse, de sensation de froid, de diarrhée, de crampes. Le Bayard devant appareiller le jour même pour faire la croisière au large, le malade fut immédiatement envoyé à bord de la Nive. Mis en éveil par le précédent du soldat Hérault je fis de suite transporter ce malade sous le gaillard d'avant où un lit lui fut installé. Les symptômes présentés par cet homme ont eu la plus grande analogie avec ceux présentés par le soldat Hérault : diarrhée riziforme, vomissements, anurie, crampes, abaissement de température ; enfin l'issue a été la même car ce pauvre homme a succombé le 6 au matin à cet accès algide.

Les mesures de désinfection prescrite par la dépêche ministérielle ont été naturellement prises à l'égard des effets ayant appartenu à cet homme, y compris la destination des habits portés par lui au moment où il est tombé malade.

Ces 2 cas d'accès dit algide étaient venus manifestement de la terre où l'on en observait beaucoup d'autres à ce moment. Jusqu'alors l'état sanitaire de la Nive avait été parfait. A partir de ce décès du matelot du Bayard, 4 cas se sont produits dans notre équipage : l'un d'eux a été suivi de mort, c'est celui de notre second-maître armurier, dont j'ai parlé plus haut ; les 3 autres n'ont été que des formes atténuées de la maladie et se sont terminés par la guérison.

Un de nos malades passagers, Mr de Laminat, lieutenant de vaisseau du Nielly, devant être encore peu de jours après victime de cette affection. Cet officier avait été embarqué à bord de la Nive, le 5 février pour y être soigné d'une dysenterie chronique rebelle et tenace. Cette affection remontait à de longues années. En 1875, Mr de Laminat, avait eu une première atteinte de diarrhée de Cochinchine, en 1876 il avait eu de la dysenterie, en 1884 lors du départ du Neilly de Brest, le médecin-major de ce bâtiment, frappé du mauvais état de santé de Mr de Laminat l'avait engagé vivement à ne pas faire la campagne. En octobre 1884, un peu après le départ de Neilly de Saïgon les fonctions digestives ne s'accomplissaient plus que très mal chez Mr de Laminat, on avait été forcé de le mettre au régime lacté exclusif et il était devenu incapable de faire aucun service. Le 27 décembre 1884, le médecin-major du Neilly fit entrer cet officier à l'hôpital de Hong-Kong ;  mais après 20 jours de traitement dans cet hôpital Mr de Laminat se faisait mettre exact par le médecin anglais et rejoignait son bâtiment. Mais ce séjour à l'hôpital avait été trop court pour le rétablir complètement. Aussi le 25 janvier 1885 la diarrhée reprenait de plus belle, les selles contenaient des matières glaireuses et sanguinolentes. Le 3 février 1886 cet officier était mis en subsistance sur le d'Estaing et le 5 février il passait sur la Nive pour y recevoir les soins nécessités par son état et pour effectuer son retour en France sur ce bâtiment.

 

Lors de son arrivée à bord de la Nive Mr de Laminat était dans un état d'affaiblissement très grand, l'amaigrissement était extrême. Un régime diététique sévère fut institué et grâce à cela et aussi au repos complet dont jouissait le malade, une amélioration sensible se produisit dans la diarrhée : les selles étaient devenues pâteuses et ne contenaient plus de mucosités ni de sang. On pouvait donc concevoir un peu d'espoir au sujet de ce malade lorsque le 14 février 1885 il fut pris de crampes très violentes de selles riziformes, de vomissements, d'anurie, de refroidissement, Mr le médecin Piesvaux, de La Galissonnière, appelé en consultation par moi, jugea dès ce moment que le pronostic était très grave. En effet malgré tous mes efforts ce pauvre officier nous fut enlevé dans la nuit du 17 au 18 février.

Le 16 février le second-maître du torpilleur 46, ayant été pris à son bord des symptômes de l'accès algide fut envoyé par son capitaine à l'hôpital de la Nive. Cet homme a présenté une forme atténuée de la maladie. Le 4 mars quand la Nive a quitté Keelung il était entièrement guéri ;  mais pour ne pas lui faire reprendre son service trop tôt, je l'ai fait passer sur le Tonkin, après avoir soigneusement désinfecté ses effets.

A partir de cet date du 4 mars aucun cas nouveau d'accès algide ne s'est produit à bord.    

Du 1er au 4 mars, 3 malades ont été guéris qui figuraient parmi les non guéris du mois précédent. 3 malades qui n'étaient pas entièrement rétablis, mais dont l'état de santé ne motivait pas la rentrée en France, sont passés de la Nive sur le Tonkin arrivé tout nouvellement sur rade pour remplacer ce bâtiment.

 

Traversée de retour  

La Nive est partie de Keelung, le 4 mars 1885. A cette date il y avait à bord 127 passagers malades ou convalescents dont 7 officiers.

 

Ce rapport comporte encore 28 pages sur le voyage de retour, que je tiens à la disposition de qui voudrait les transcrire.

 

Etapes du voyage

 

Lexique

(0) la teugue est une espèce de gaillard que l'on élevait quelquefois à l'arrière, le plus souvent à l'avant, pour se garantir du mauvais temps.

(1) Occipito-iliaque gauche antérieure (OIGA) 

(2) Une métrite est une infection aiguë ou chronique de l'utérus.

(3) La cachexie est un affaiblissement profond de l'organisme (perte de poids, atrophie musculaire, etc. ) lié à une dénutrition très importante 

(4) Une adénite est une inflammation d'un ou plusieurs ganglions - inguinale = de l'aine

(5) Les hypocondres (litt. sous le cartilage) droit et gauche sont les deux régions de l'abdomen situées directement sous le diaphragme.

(6) La parotidite est une inflammation de la glande parotide, la plus volumineuse des glandes salivaires

(7) Les «selles riziformes» qualifient une diarrhée aqueuse soudaine et abondante caractéristique du choléra classique.

(8) L'hygroma également appelé bursite est un terme définissant l'inflammation atteignant une bourse séreuse. Une bourse séreuse est une poche de liquide située dans une articulation pour en favoriser ces mouvements.

(9) La pommelière ou tuberculose bovine, du fait que les tumeurs qui farcissent les poumons sont comparées à de petites pommes

(10) Tænia saginata est appelé tænia inerme en raison de l'absence de crochets sur son scolex, lequel présente en revanche 4 ventouses. Il est également appelé tænia du bœuf.