LES

Souvenirs de Louise Barbier (1783-1871)

sur l'Insurrection Vendéenne

 

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A la mémoire de notre ami
Léon BONNINEAU.

 

AVANT-PROPOS

Ce n'est pas sans une certaine tristesse que l'été dernier nous avons rentré dans la Bibliothèque de notre Musée, avec quelques centaines de brochures, de nom­breuses liasses de toutes sortes, vieux documents authentiques, notes, lettres, papiers divers en partie déclassés par des déménagements successifs. L'ensemble provenait de la bibliothèque et des archives de notre regretté camarade Léon Bonnineau. Nous songions à la vie toute intérieure et si brève de notre ami, à son travail continuel, de « bénédictin », au milieu de ses papiers tant aimés, à ses recherches scrupu­leuses si brutalement interrompues, à l'intérêt qu'il portait à notre Musée et à ses collections.

 

Un premier examen nous permit de réunir rapidement toute une série de papiers, en quelque sorte de famille, parmi lesquels nous découvrîmes des « Notes » sur les événements de la Révolution et sur l'Insurrection vendéenne, des « Souvenirs » dictés par une arriére grand-maman et par des grand-tantes qui avaient vécu et souffert ce terrible drame.

La lecture de ces minces cahiers jaunis, des feuillets séparés qui les accompa­gnaient, des notes tantôt écrites à l'encre, tantôt griffonnées au crayon sur quelque débris d'enveloppes, des essais généalogiques raturés et maintes fois repris, nous donna bientôt la certitude que la plume avait été tenue par M. Joseph Chaillou, le grand-père de notre ami, dans le cours des années de 1866 â 1870. Nous connaissions depuis longtemps déjà son goût intense pour tous les souvenirs choletais.

 

L'énoncé des événements que nous parcourions nous parut empreint d'une vie intense ; des détails particuliers, — de ceux qu'on ne peut inventer et qui ne se copient pas, — attirèrent notre atten­tion. Nous trouvâmes deux rédactions de la partie principale de ces souvenirs : celle d'apparence la plus soignée nous parut postérieure à l'autre. En la relisant, nous y retrouvâmes des indications déjà notées dans l'Histoire de Cholet de M. Amaury-Gelusseau, parue en 1862. Nos préférences allèrent vers les notes écrites plus hâtivement, entremêlées de ratures, aux phrases quelquefois incorrectes, souvent sans ponctuation. Elle nous parut la dictée même de l'aïeule, Louise Barbier, veuve Champeaux, dont la mémoire était mise à contribution et qui racontait simplement, naïvement même, à ses petits-enfants les événements vécus dans son enfance.

 

Par quelle pudeur, et M. J. Chaillou, et notre ami Léon Bonnineau gardèrent-ils secrets ces intéressants souvenirs ?

Un souci scrupuleux de ne pas éveiller les anciennes passions qui dressèrent nos concitoyens les uns contre les autres ? Nous inclinerions à penser qu'ils ne leur attribuèrent qu'un intérêt tout personnel ou familial. A l'époque où ils furent recueillis, la mode n'était pas encore aux documents de première main. Plus tard, les publications de souvenirs particuliers, ceux de Poirier de Beauvais, ceux de Mme de la Bouëre, et plus près de nous surtout les Mémoires d'un père à ses enfants, de M. Boutillier de Saint-André, par notre vénéré maître l'abbé Eugène Bossard, parurent sans doute donner des renseignements plus complets. Peut-être furent-ils l'occasion de cette rédaction plus soignée, mais demeurée inachevée ?

 

Peut-être, à la suite, le grand-père laissa-t-il à son petit-fils qu'il découvrait intensément épris, comme lui, du culte du souve-nir, le soin de présenter ces notes ? Peut-être enfin, notre ami, lancé dans ses recherches généalogiques et tout entier encore à l'accumulation et à l'analyse des documents, réservait-il à plus tard le moment de mettre à jour ces Mémoires vécues ?

L'intérêt chaque jour croissant que suscite l'Histoire et en par-ticulier celle de notre pays vendéen et choletais, ainsi que le désir d'apporter ce travail en hommage à la mémoire de notre ami, nous a inspiré la téméraire pensée de publier ces « Souvenirs ». Nous avons cru devoir en rectifier l'orthographe et surtout compléter la ponctuation dont l'absence nuit parfois à la compré-hension du texte.

 

Les « Souvenirs » de Louise Barbier sont surtout l'énoncé de faits observés ou vécus, tels qu'ils auraient pu être décrits au moment même où ils se sont passés. Dépouillés de cette ambiance légen-daire et tendancieuse dont certains auteurs se sont plus à enve­lopper l'histoire de notre Vendée, peut-être paraîtront-ils trop simples et d'une vérité choquante. D'autres témoignages authen­tiques connus peuvent venir les appuyer de leur autorité ; nous en avons joint quelques-uns. Nous avons réuni aussi les quelques phrases éparses, concernant les événements préparatoires à l'in­surrection, par des citations montrant plus nettement l'exaspé­ration croissante de nos populations contre les brimades des gens « dans le mouvement » alors, les misères des âmes frois-sées dans leurs convictions religieuses et l'explosion subite d'une grande colère qui en fut la conséquence obligée, lorsqu'en mars 1793 la conscription fit éclater la révolte.

 

Le 10 septembre 1767, les cloches de Saint-Pierre tintaient à toute volée pour le mariage de deux très jeunes gens, que M.David, le vénérable curé, venait de bénir. Louis Barbier, orphelin de père à vingt et un ans, épousait une jeune fille de seize ans, Renée Auvinet. Le jeune homme se disait fabricant de toiles et de mouchoirs, comme la majeure partie des habitants de notre ville. Il avait pris le même métier que son défunt père et faisait aller sa navette ou vendait des pièces de toile, tandis que sa mère, Marie Moreau, remariée déjà à Louis Martineau, plus jeune qu'elle de onze ans, continuait à tenir l'auberge des Barbier, en face de l'église, à l'enseigne, dit-on, de la Tête Noire.

Car depuis des générations, les Barbiers, au lieu de manier ciseaux et rasoirs ainsi que leur nom semblait l'indiquer, ven-daient à boire et à manger, logeaient à pied et à cheval ; ceux dont nous faisons connaissance, à Saint-Pierre ; d'autres, des cousins, sur la place du Prieuré (la place Rougé actuelle), à l'enseigne du Lion d'Or.

 

En outre de sa mère et de son beau-père, le nouveau marié était assisté de Charlotte et de Madeleine Moreau, ses tantes, de Louise Martineau, sa demi-sœur, que nous verrons apparaître dans le récit Cette dernière épousera bientôt le blanchisseur Jean Blain, qui sera « l'oncle Blain » dont parle notre auteur.

 

Près de lui se trouvait encore son frère, Claude Barbier, plus jeune d'un an ; des oncles, des cousins, Jean Simon, Jean Pas­quier, Louis Camus, René et François Guillou, Adrien Delhumeau dont nous verrons la veuve recueillir notre jeune mémorialiste.

 

Les Auvinet étaient fabricants et tisserands, et mariaient leurs filles très jeunes. L'épousée du jour n'avait que seize ans et habitait sur la paroisse Notre-Dame. Son père, Pierre Auvinet, avait été chercher son épouse. Renée Guidon, au May, d'une vieille famille également de tisserands.

Les Guidon étaient venus nombreux à la noce et nous remarquerons particulièrement une tante de la mariée, Mathurine Guidon et son mari, François Dupont, qui compteront parmi les aïeux de notre dévoué Secrétaire et aimable cousin, Elie Chamard, et parmi les nôtres. Se trouvaient également deux jeunes sœurs de sa mère : Malhurine Auvinet qui deviendra trois ans plus tard la « tante Coudrais », et, toute enfant encore, Marie Auvinet, qui neuf ans après sera « la tante Brion, du May ».

 

Si l’on en croit la morale habituelle des contes de fées, les époux durent être heureux, car ils eurent beaucoup d'enfants. Nous en donnons la liste pour que le lecteur puisse se retrouver plus facilement parmi tous les noms qui apparaîtront dans le récit.

Renée Barbier, née le 19 juillet 1768, épousera avant la Révolution François Cherbonnier, tisserand du May et habitera Mortagne ;

Marie Barbier, née le 11 septembre 1769 ;

Modeste Barbier, née le 10 février 1771, sera fusillée place Saint-Pierre en 1794 ;

Louis Barbier, né le 17 juillet 1772, tout d'abord tisserand, enrôlé militaire, fera onze ans de service ;

Pierre Barbier, né le 14 octobre 1773. Pris militaire à la conscription, il fut tué en Bohême ;

Jeanne Barbier, née le 23 février 1775 ;

7° Rosalie Barbier, née le 30 mars 1776 ;

Victoire Barbier, née le 17 septembre 1777 ;

Cécile Barbier, née le 13 mars 1780 ;

10° Alexis Barbier, né le ... juin 1782, dut mourir jeune, car on ne retrouve aucune de ses traces ;

11° Louise Barbier, née le 22 mai 1783, notre mémorialiste ;

12° Eugène Barbier, né le 18 septembre 1784, que nous verrons fréquemment près de sa sœur Louise ;

13° Joseph Barbier, né le 17 mars 1786.

La naissance de ce treizième enfant coûta la vie à sa mère, Renée Auvinet. Elle fut enterrée au grand cimetière de Saint-Pierre, c'est-à-dire sur la place actuelle, le 20 mars 1786.

En 1788, deux ans après, Louis Barbier, le père, se remariait avec Marie Breault qui dut se charger de toute cette nombreuse famille. Le 30 juillet 1789, une petite fille, Marie, venait au monde, et le 4 janvier 1790, Louis Barbier succombait à son tour et était inhumé au grand cimetière.

En ces temps troublés, les habitués de l'auberge, que continuait à diriger la belle-mère de tous ces enfants, discutaient fortement. Louis Barbier passait pour avoir été plutôt « dans le mouvement ». Il semble bien qu'il ne fut qu'un élément de la majorité des habitants de Cholet, et aussi de tout notre pays. Enthousiaste d'abord dans l'espoir des réformes qui devaient soulager le pauvre peuple, il osa se ranger parmi les « Patriotes ». Son frère, Claude Barbier, commanda une compagnie de la Garde Nationale. Son fils Pierre obéit à la conscription et partit militaire.

 

Mais les bienfaits de la Révolution tardant à apparaître, on s'aigrit et on accuse de l'insuccès le mauvais vouloir des partisans de l'ancien état de choses et même la négligence des modérés. A l'auberge de la Tête Noire, les filles même bavardent et s'exaltent. L'aînée, Renée, au moment de son mariage à dix-huit ans, passe pour être une parfaite « démocrate ».

Peut-être lorsqu'il fit plus tard cette réflexion à sa jeune sœur, Louise, M. Boisnaud,'curé de Saint-Pierre, n'avait-il pas parfai­tement compris le caractère de ces gens, de tous ces honnêtes gens, forme de franchise, d'indépendance et de fidélité.

Car, s'ils n'hésitèrent pas à dire parfois crûment leur opinion, tous demeurèrent fidèles à leurs convictions religieuses. Le lecteur jugera au cours du récit combien leurs croyances et leurs pratiques étaient choses sacrées pour nos héros. Et M. Boisnaud lui-même les inscrit en bonne place dans ses « Listes de ceux qui passaient pour notoirement catholiques et que les Républicains emmenèrent à Nantes » à l'évacuation de Cholet.

 

Pour nous, le récit laissé par Louise Barbier et recueilli par son petit-fils, M. J. Chaillou, est le document émanant directement de l'opinion moyenne et saine du pays. Il exprime sincèrement les transes et les misères de toute une population. Sa publication présente un réel intérêt dans la recherche de la vérité.

 

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AUX DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION

Espoirs et Désillusions

 

Les premiers souvenirs, que mentionne Louise Barbier, datent de sa « tendre enfance ». Née le 22 mai 1783, elle n'avait, en effet, que six ans et deux mois lorsque, une semaine après la prise de la Bastille, le 22 juillet 1789, le jour de la Magdeleine, éclata dans toute la France un mouvement de terreur, panique dont les origines sont encore demeurées obscures.

Son récit débute très brièvement ainsi :

« J'avais cinq ou six ans, à la Madeleine ; mais dans les brumes de mes souvenirs, cependant, je me rappelle qu'on eut bien peur. On nous disait que les Anglais arrivaient et allaient tout mettre à feu et à sang. »

 

La nuit, pendant laquelle se répandit cette invraisemblable nou-velle, s'appelle encore en Vendée la nuit de la Peur. Rien d'éton­nant à ce que cet événement demeurât gravé dans la mémoire d'une enfant de six ans. Il avait de même impressionné fortement un garçonnet de deux ans plus âgé que notre mémorialiste, Marin-Jacques Boutillier de Saint-André, qui nous décrit ainsi cette nuit mémorable dans une cité voisine de la nôtre, à Mortagne :

« Il était neuf heures du soir... et nos voix furent interrompues par un grand coup que l'on frappa dans le contrevent. Il faisait un grand orage et nous crûmes que la foudre venait d'éclater, Les coups redoublèrent. Surpris de ce bruit imprévu, les domestiques ouvrirent avec précaution. C'était Champagne, le palefrenier de mon oncle de la Chèze, que son maître envoyait de Roussay nous prévenir de l'arrivée des Anglais.

 

« Cette absurde nouvelle fut bientôt répandue dans toute la ville. Chacun y crût. On sonna le tocsin et tous les hommes s'armèrent, les uns de fusils, les autres de piques, de fourches, de faulx. On illumina toutes les fenêtres. Nous ne nous couchâmes point et nous attendîmes avec une grande anxiété la revenue du jour.

« Mon père était alors maire (de Mortagne) et reçut, sur les minuit, deux députés de Cholet qui venaient demander des secours. J'étais présent à leur réception et j'entendis mon père leur répondre que Mortagne n'avait point assez de forces pour secourir Cholet et que le peu d'hommes dont il pouvait disposer resteraient dans leurs foyers pour les défendre.

« Ces députés étaient armés jusque dans les dents {sic). Ils portaient déjà des cocardes tricolores ; ils faisaient de grands gestes, soutenaient que les Anglais arrivaient, qu'ils n'étaient plus qu'à quelques lieues de Cholet, et assuraient très positivement qu'ils massacraient sans pitié les hommes, les femmes et les enfants. Je tremblais de toutes mes forces ; je me croyais déjà mort. Il me vint dans l'idée que ces messieurs étaient peut-être des Anglais eux-mêmes et je m'en fus me cacher ...

 

« Cependant, on fit des patrouilles, on boucla les portes de la ville, on garda tous les passages... Le jour reparut. Mon père revint. Chacun rentra chez soi bien rassuré. On eut honte de s'être laissé effrayer par une fausse nouvelle... » (1).

Nous avons cru devoir compléter, par ce vivant récit, l'indication trop sommaire fournie par Louise Barbier sur cet important événe­ment qui marqua dans nos contrées le début de la Révolution, et laissa une trace ineffaçable dans les esprits.

Pour les années qui suivirent, l'âge de notre mémorialiste ne lui permit pas d'enregistrer d'autres impressions que celles marquées dans sa mémoire par les conversations bruyantes ou par les discus­sions entendues dans la grande salle de l'auberge paternelle.

 

(1) Mémoires d'un père à ses enfants. Une famille vendéenne pendant la Grand' Guerre (1793-1795), par M. Boutillier de Saint-André, publié par l'Abbé Eug. Bossard. Paris, Pion et Nourrit,

1896, pages 30 à 35.

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Quelques notes suivent immédiatement, sur les autorités adminis­tratives, judiciaires ou religieuses choletaises.

 

« C'était M. de Beauveau, le seigneur de la Treille, qui dirigeait Cholet. Il était méchant, dur et barbare ; un jour il fit dévorer par ses chiens un pauvre qui avait passe le pont-levis pour implo­rer la charité aux cuisines du château. (1).

 

 « Les autres chefs étaient MM. Boutillier de Saint-André (2), Savary (3) et Chouteau (4). Les réunions avaient lieu aux Cordeliers, (aujourd’hui l'Hôpital).

 

 « C'était M. Boisnaud, qui était curé de Saint-Pierre. Il avait succédé à M, David, qui m'avait baptisée.

 

« N'ayant pas voulu prêter serment à la Constitution, ni  aban­donner ses paroissiens, il était obligé de se cacher.

Il disait la messe, la nuit, dans les fermes, dans les forêts ou dans les champs de genêts, qui formaient des fourrés impénétrables à d'autres qu'aux gars du pays. »

Louise Barbier commet ici une double erreur. M. Boisnaud (1) ne succéda pas directement à M. David. Ce dernier, curé de Saint-Pierre depuis octobre 1752, mourut le 24 mars 1774, et fut enterré auprès du grand vitrail, au chevet de son église. M. Charlet fut nommé pour le remplacer. Il exerça son ministère pendant environ quatre ans, de 1774 à 1778.

Ce court laps de temps paraît n'avoir laissé aucune trace dans les souvenirs d'enfance de notre écrivain. Il est vrai que ce fut sous le rectorat de M. David que, le 10 septembre 1769, eut lieu le mariage de ses parents, Louis Barbier et Marie Auvinet, et que successivement furent baptisés cinq de ses frères et sœurs aînés ...

De plus, M. David avait laissé une réputation vénérée de saint prêtre ; renommée qu'était venu accroître ce fait qu'à la suppres­sion du très vieux cimetière entourant l'église Saint-Pierre, en 1787, lorsqu'on exhuma les restes de ceux qui y reposaient, le corps de M. David fut retrouvé parfaitement conservé et intact. La population crut au miracle et vit dans ce phénomène une preuve manifeste de la sainteté de son ancien pasteur.

 

Il serait étonnant qu'une enfant de huit à dix ans puisse, dans la sincérité de son récit, rapporter autre chose que des faits, quel­quefois déformés dans leur interprétation.

Dans les lignes suivantes, Louise Barbier constate simplement, en quelques mots, l'aversion  que nos populations montrèrent pour les prêtres qui adhérèrent A la Constitution Civile du Clergé et acceptèrent de prêter le serment :

« Il n'y avait à Cholet qu'un prêtre assermenté, qui se nommait M. de Crolles (1) ; mais personne ne voulait aller à sa messe. Il ne trouvait pas même d'enfants de chœur pour lui répondre. »

Ces lignes indiquent une des causes principales de la révolte des esprits, dans nos contrées : les innovations religieuses qu'incriminent également les témoignages contemporains, — que nous tenons à citer ici, — de partisans notoires de la Révolution et d'un des chefs insurgés les plus illustres.

En effet, le Secrétaire général de la Préfecture de la Vendée, ancien prêtre constitutionnel ayant adhéré au nouvel ordre des choses et prêté le serment réprouvé des Vendéens, Cavoleau; écrit en 1800 :

« En 1790, l'Assemblée Nationale obligea les prêtres catholiques à un serment qui a fait plus de mal à la France que les échafauds de Robespierre et les armées de l'Europe coalisées contre elle » (2).

Le Général Klébër, le vainqueur de Cholet, écrit dans ses Mémoires  :

« On pourrait, ce me semble, hasarder la proposition que sans la loi concernant la constitution civile du clergé, la France aurait pu être agitée de quelques troubles, mais qu'elle n'eut pas vu alors de guerre civile. « Rendez-nous nos bons prêtres et nous vous abandonnons le Roi. Nous vous livrons nos seigneurs », disaient les Vendéens lorsque, très souvent las de combattre et rassasiés de carnage (?), ils  regrettaient leurs travaux champêtres et soupiraient après leurs paisibles chaumières. Ce fait était alors connu de toute l'armée, et il n'est pas un soldat qui ne les ait entendu s'exprimer ainsi. »

 

(1) Gabriel de Crolles était le frère ou le neveu du régisseur du Château de Cholet, il était précédemment vicaire de Vitry-sur-Seine. Il fut nommé par l'Assemblée électorale du District de Cholet, le 17 avril 1791, à la cure de Notre-Dame.

Pour remplacer M. Boîsnaud, à Saint-Pierre, les électeurs désignèrent un certain M. Durand, prêtre assermenté, qui ne demeura que très peu de temps à Cholet.

(2) Cavoleau. Statistique du Département de la Vendée, p. 817.

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Enfin, voici la réponse de d'Elbée, principal généralissime des armées vendéennes à la Commission militaire de Noirmoutier, réponse recueillie par Piet, secrétaire de cette Commission :

« Je jure sur mon honneur que malgré que je désirasse sincèrement et vraiment le gouvernement monarchique, réduit à ses vrais principes et à sa juste autorité, je n'avais aucun projet parti­culier et j'aurais vécu en citoyen paisible, sous quelque gouvernement que ce fut, pouryu qu'il ait assuré ma tranquillité et le libre exercice, au moins toléré, du culte religieux que j'ai toujours professé. ».

 

Dès 1791, on se hâta de remplacer les prêtres qui, par scrupule, ne consentirent point à prêter le serment. « Mais, ajoute Kléber, les circonstances ne permirent pas alors d'apporter grande sévérité dans l'examen des concurrents, et on dut prendre presque indistinctement tous ceux qui voulurent bien se présenter. »

 

« Le patriotisme, sur lequel il était si facile de se méprendre et auquel on attacha souvent des idées si bizares, tenait lieu aux nouveaux venus de toutes les vertus et ils croyaient en donner une preuve suffisante en prêtant le serment auquel leurs prédécesseurs venaient de se refuser.

« On vit donc s'emparer des presbytères abandonnés ou des moines qu'un dépit, l'irréflexion de la jeunesse et souvent la contrainte plutôt qu'une pieuse vocation avaient jetés dans les monastères et qui, se consumant depuis longtemps en regrets, passèrent tout à coup de cette gêne violente à la licence la plus effrénée, ou bien de ces ecclésiastique qui, n'ayant pas su sauver assez les appa­rences d'une conduite déréglée, s'étaient vus écarter des emplois de l'Eglise, et végétaient dans une crapuleuse indigence... »

 

« De tels hommes étaient bien peu propres à remplir leurs fonc­tions avec cet esprit de paix et de conciliation qu'il eût été nécessaire d'apporter dans les commîmes pour calmer les ferments déjà sur le point d'éclater...

 

« Enfin, lorsque la plupart de ces nouveaux curés, autant par leurs turpitudes que par l'instigation de leurs antagonistes, parvinrent à s'attirer la haine des communes, au point de ne pouvoir paraître en public sans être conspués, ils cherchèrent et trouvèrent un appui dans les sociétés populaires..., et les autorités constituées, toujours influencées par ces sociétés, se hâtèrent de mettre sous l'égide de la force armée ces nouveaux fonctionnaires ecclésiastiques.

« Dans tout le royaume, la Garde Nationale fut presqu’exclusi­vement employée à la défense des presbytères. Mais, ces soldats de la Liberté, destinés à être les soutiens impos-sibles de la Loi qui protège..., devinrent facilement des instruments de vengeance. De là, ces persécutions partielles et arbitraires, dont les prêtres insermentés ne furent pas les seules victimes, et qui offrirent si souvent des scènes à 1a fois sanglantes et ridicules ; mais la persécution, dans cette circonstance, eut le résultat qu'elle obtint dans tous les temps. Les persécutés devinrent plus chers à la multitude.

 

Dans leur rapport du 8 octobre 1791, les deux commissaires civils, MM. Gallois et Gensonné, envoyés dans les départements de la Vendée et des Deux-Sèvres, à la fin d'août, affirment également l'influence néfaste du serment exigé à la Constitution civile du clergé, et notent la séparation des esprits qui en fut rapidement la conséquence :

« L'époque de la prestation du serment ecclésiastique a été, pour le département de la Vendée, la première époque de ces troubles. Jusqu'alors, le peuple y avait joui de la plus grande tranquil­lité. Disposé, par son caractère naturel, à l'amour de la paix, au sentiment de l'ordre, au respect de la Loi, il recueillait les bienfaits de la Révolution sans en éprouver les orages...

 

* ... Cette division des prêtres en assermentés et non assermentés a établi une véritable scission dans le peuple de leurs paroisses. Les familles y sont divisées... Les municipalités se sont désor­ganisées ; et un grand nombre d'entre elles pour ne pas concourir au déplacement des curés non assermentés. »

Le marquis de Beauveau, procureur général syndic du District de Cholet, écrit, le 23 avril 1791, au Directoire du département de Maine-et-Loire : « ... En voilà deux (démissions) que je viens de recevoir... »

« ... Tous ne le feront pas dans la même forme » (démissionner), fait connaître de son côté le président du Directoire du District de Cholet, M. Chouteau, le 3 mai 1791,

" mais tous le feront sous peu. Si Ton ne trouve quelque moyen d'arrêter cette contagion, il n'y aura plus de municipalités. "

Et Gallois et Gensonné notent dans leur rapport : « Un grand nombre de citoyens a renoncé au service de la Garde Nationale, et celui qui reste ne pourrait être employé sans danger, dans tous les mouvements qui auraient pour principe et pour objet des actes concernant la Religion ; parce que le peuple verrait alors dans les uartfes Nationales, non les instruments impassibles de la Loi, mais les agents d'un parti contraire au sien. »

Le mépris des prêtres assermentés, des « intrus », le regret des anciens pasteurs, la haine ,des Gardes Nationaux et de leurs brimades continuelles, se doublaient d'un malaise général et d'une inquiétude croissante. Le mécontentement était partout et  len­tement la révolte s'insinuait dans les cœurs :

« On disait que la guerre allait éclater.

« On faisait des rassemblements sur les places et chez mon père, qui était aubergiste, et qui était exalté dans ses opinions anti­royalistes.

« Dans la grande salle de l'auberge, se rassemblaient beaucoup de connaissances ou d'amis pour discuter de la politique. Trop jeune, je n'y comprenais rien. Je me souviens qu'on me disait des gentil­lesses qui me flattaient beaucoup.

« Mon père mourut dans ces temps-là, (1)

« Ma belle-mère pleurait et nous dit que, désormais, elle ne pour­rait se charger d'une aussi nombreuse famille ; car nous étions dix encore à la maison paternelle.

Nos oncles et tuteurs vinrent faire l'inventaire. Je vis un tas de beaux écus que l'on cacha pour les mettre en sûreté.

 

 (1) Le 4 janvier 1790. Veuf, le 26 mars 1786, de Renée Auvinet, dont il avait eu quatorze enfants, Louis Barbier s'était remarié en 1788 avec Marie Bréault. Le 30 juillet 1789 naquit une petite fille, Marie, qui fut massacrée en 1794.

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Cette petite fortune ne reparut jamais, car nous ne la retrouvâmes plus après la Révolution. » (1).

La famille Barbier n'était pas seule alors à éprouver les ennuis d'un situation économique précaire. Depuis des années déjà, la « crise » allait en s'accentuant.

« L'hiver de 1788 a passé terrible », écrit M. C. Port, d'après les documents des Archives départementales

« Celui de 1789 s'annonçait désastreux par de longues pluies qui arrêtent tout le travail des champs. Mais enfin, la récolte rentrée était excellente et pourtant le prix des grains ne cesse de s'accroître... Dans les campagnes, en particulier dans les Mauges, la détresse devenait extrême et les marchés restaient vides, en plus d'un endroit interceptés maladroitement par les affamés. »

« Tous les bourgs menacent les gens les plus aisés de venir prendre leur subsistance chez eux »... écrit le District de Beaupréau.

« Le maire du May, Tharreau, voit gronder autour de lui et dénonce une insurrection prochaine. « Autant vaut mourir d'un coup de fusil que de faim », disent ses paysans.

« A Trémentines, l'exaspération est au comble. Toute une popu­lation d'ouvriers erre en plein chômage autour des maisons des fabricants, des marchands aisés qu'a épuisés la crise. « Nous sommes à la veille d'une insurrection dans ce bourg... » écrit Rousseau, curé et maire(5).

Dès le 9 mai 1790, un convoi de blé avait été mis au pillage sur les landes de Bégrolles. A Chemillé, vers la fin d'août, un poteau fut dressé devant les halles pour terrifier les accapareurs... La panique gagne les villes. Dès l'ouverture des marchés, tout s'y trouvait acheté par des inconnus... Un nouvel hiver approchait apportant des menaces nouvelles.

 

(1) Louise Barbier ajoute ici à ses mémoires : L'oncle Blain, nommé tuteur général, ne nous rendit aucun compte. Au retour de l'exil, il nous dit que l'argent avait disparu. C'était-il vrai ?

(sic). Dieu le punit. ïl mourut dévoré par la vermine dans un taudis sur la route de la Tessoualle.

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Ainsi, froissées dans leurs convictions religieuses, soumises à de perpétuelles vexations, nos' populations se trouvaient atteintes encore dans leurs intérêts matériels.

« La première.et la plus pénible des désillusions après tant d'espérances », écrit justement M. C. Port, « Se trahit sur la question la plus sensible et la plus irritante, celle des impôts là où, tout d'abord, le populaire avait pu crier cause gagnée. »

« Dès le lundi 20 juillet 1789, les nouveaux pouvoirs publics avaient mis la main sur toutes les caisses des Recettes Royales, Tailles, Tabacs, Aides, Contrôle, et le peuple se chargeait d'incendier les barrières et de supprimer les octrois... »

 

« Mais le décret du 23 septembre, qui n'ordonnait la suppression de la Gabelle (si détestée, l'effroi de tous), qu'après son remplacement assuré par les Assemblées Provinciales, prétendait en somme remettre sur pied, ne fut-ce que pour un temps, tout le régime abhorré. L'annonce seule de cette entreprise « réveilla dans tous les cœurs te sentiment de la révolte et de l'insur-rection », et tous les citoyens se proclamèrent hautement résolus à repousser la force par la force et « a mourir plutôt que de se soumettre à ce joug odieux. » (1).

De plus, la répartition des contributions directes de 1790 devait prendre pour base la Taille de l'année précédente.

« Or, nulle part lé scandale ne s'affichait plus audacieux que dans l'élection de Montreuil-Bellay » qui comprenait le futur pays insurgé de la Vendée angevine.

« Ici l'impôt rayonnait en s'accroissant pour se concentrer sur ses extrémités, — au point qu'on calculait sans conteste la distance du chef-lieu à l'intensité proportionnelle des taxes dont les paroisses étaient frappées... Des 56 paroisses de l'Election, les six à l'entour de Cholet supportaient à elles seules plus du tiers de l'imposition totale, le double, même les trois quarts de plus que certains cantons de. l'Anjou. » (2).

 

 (1) Assemblée générale de la Province d'Anjou. Angers, Paris, in-8" de- 27 pages. Le procès-verbal original porte parmi les signatures celle de Bonchamps.

(2) Archives Départementales de Maine-et-Loire. B. Cahier de Roussay. — C. 197. Lettres du District de Cholet du 26 février et du 2 avril 1790.

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« ... En vain la Commission intermédiaire s'épuisait-elle à rappe­ler que Terreur était involontaire ; qu'elle serait rachetée sur les rôles de 1791 et compensée dès cette année même par des grati­fications... Comme si l'on pouvait faire croire aux campagnes que l'argent revienne jamais du fisc (1), et que les rôles, — on le voyait trop, — n'eussent toutes chances d'être à demeure ! »

Les rôles de 1791 ne rachetèrent rien, naturellement ; pas plus que ceux de 1792 ; si bien qu'au cours de cette dernière année, l'Administration, impuissante à faire face aux dépenses immenses de la guerre engagée, heurtait « son droit inexorable à la faute impardonnable qui depuis trois années pesait sur les Mauges, l'ini­­quité de l'impôt ».

« La guerre est déclarée, la guerre exige des contributions soli­dement établies et régulièrement acquittées » écrivait le ministre, dès le 6 mai 1792. Et à toute plainte : « Payez d'abord », répondait-il.

 

« Mais une opposition absolue, raisonnée, s'annonçait, hautement décidée à ne pas subir deux fois les exigeances illégales, que réclamaient, à contre-cœur les agents du fisc et que dénonçait à grands cris la conscience publique...

L'évidence attestait une disproportion entre la masse des contributions et la matière imposable de plus de 1.200.000 livres... Le District de Cholet, à lui seul, d'après les décla-rations des Municipalités, accusait une surcharge du foncier de 208.855 livres. »

c Partant de cette certitude, chaque contribuable a fait son compte et réglé en conscience son versement... à peu près les. deux tiers de la contribution foncière... Pour le mobilier, la taxe en était si excessive qu'on n'avait pu en percevoir encore qu'un cinquième. « Il est impossible que là Convention laisse subsister une proportion aussi déraisonnable », écrit le Procureur Syndic de Cholet. » (2).

 

« Mais à toutes réclamations, nulle réponse n'était venue pendant deux ans, et quand aux derniers jours de 1792, le Ministre, après avoir consulté l'Assemblée et les Comités, donne signe de vie, c'est pour justifier son refus sur des défauts de formalités strictes qu'il n'était même plus temps, légalement et par sa faute, de remplir. »

 

(1) Id. Lettre du May, février 1790.

(2) Archives Départementales de Maine-et-Loire. — Lettre du 8 novembre 1792.

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«  Le Directoire du département, en dépit de cause, a tâché pied. Le District de Cholet, qui est le plus iniquement éprouvé « par ce fléau », avait pris les devant quand même et parlaitde si aigre façon qu'une première fois, il fallut lui renvoyer sa réclamation comme indigne.

Après des plaintes sans fin, les publications d'adresses et de mémoires sans résultats, l'envoi même au département du Procureur-Syndic, en mission spéciale, l'exaspération y est devenu telle qu'elle s'élève presque à la rébellion. » (1).

 

 « Ceci accrut la gêne universelle », écrit M. Henry Jagot dans son étude très approfondie et très sérieuse, des origines de l'Insurrection (2), « doublée par une extension formidable du vagabondage et de la mendicité. Les gabelous réduits à la famine par la suppression de la Gabelle, leurs ennemis, les faux-saulniers tombés dans l'inaction, couraient les champs par bandes nombreuses se livrant à des pillages, à des brigandages et à des assassinats. Il y eut une série de crimes du genre de ceux qui devaient rendre plus tard si fameux les abominables chauffeurs, de telle sorte que l'épouvante régnait dans toutes les paroisses.

« Eh bien ! durant cette période troublée, on ne signale pas un acte d'opposition à la Révolution, pas une plainte contre l'Assemblée, pas un mouvement de révolte contre la Loi... Rien ne permet de penser que ces paysans sages et paisibles, qui suppor­tent les maux présents avec résignation, songeront un jour à prendre les armes pour rétablir un régime dont ils réclamaient de force la destruction dans les premières semaines de l'année 1789.

« Les Vendéens souffrent dans leurs intérêts, dans leurs biens, mais ils ne s'en prennent à personne de la rigueur de la tempé­rature et de la disette amenée par les mauvaises récoltes. Ils se consolent de ces peines passagères avec leur Religion. Et il en sera ainsi tant qu'on ne touchera ni à leurs curés ni à leurs églises. »

 

La loi proclame la liberté des cultes. Cette liberté existe à Paris ; elle est aussi maintenue dans plusieurs départements.

 

(1) Archives .de Maine-et-Loire. Adresse du 5. Janvier 1793 ci-

tée par C. Port, La Vendée Angevine, t. II, p. 48.

(2) Henry Jagot. Les origines de la Guerre de Yendée. Paris

H. Champion, 1914, p. 58.

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Mais c'est en vain que les paysans des Mauges et de la Vendée, c'est en vain que le clergé dépossédé la revendiquent (1). Le mouvement non conformiste, appuyé sur la loi elle-même, est assimilé à une forme de rébellion.

Le pays tout entier est voué à la terreur. Les gendarmes et les gardes nationaux, guidés par des « patriotes » de bonne volonté et même par des prêtres constitutionnels, courrent les chemins, s'imaginant étouffer sous la contrainte et la terreur la révolte des consciences.

Un arrêté du 1er février 1792 obligeait tous les prêtres non assermentés, sans exception, à se rendre au chef-lieu du dépar­tement, dans la huitaine, et à y prendre leur résidence sous la surveillance de la police. Cette surveillance se transforme bien­tôt en un véritable emprisonnement agrémenté de toutes sortes de vexations dont la réalité est impossible à mettre en doute, à la lecture de la lettre du Ministre de l'Intérieur, Roland, adressée le 24 août 1792 aux Administrateurs d'Angers.

 

« On me marque, Messieurs, que les prêtres qui sont enfermés, depuis deux mois, aux deux Séminaires, y éprouvent toutes sortes de vexations de la part de la garde nationale de cette ville, qu'ils viennent d'être mis pendant six jours de suite, sur la paille, au pain et à l'eau et que plus de la moitié de ces prêtres sont âgés de soixante à quatre-vingts ans et infirmes. Vous sentez, Messieurs, que si les circonstances difficiles dans lesquelles nous nous trouvons, peuvent excuser des mesures extra­ordinaires contre des citoyens prévenus d'animosité envers la Révolution, la justice et l'humanité exigent du moins que ces mesures ne soient pas aggravées par aucun acte particulier de persé­cution et de barbarie. »

En fait, dès avant la fin de 1792, il n'y eut plus de liberté individuelle dans les départements de l'Ouest. Les divers arrêtés des autorités permettaient aux gardes nationaux de pénétrer chez les particuliers, sur le moindre soupçon, en brisant au besoin les portes et les fenêtres, en faisant sauter les serrures, et de fouil­ler partout, sans avoir à justifier leur conduite.

« Les patriotes, lâchés dans les campagnes comme une meute de chiens enragés, se livrèrent aux pires excès, insultant les femmes, frappant les hommes, semant la terreur sur leur passage, agissant chez leurs compatriotes comme en pays conquis et mani­festant une joie sauvage, quand ils avaient pu s'emparer d'un malheureux prêtre, découvert au fond d'une grange, sous un ­ pres­soir, derrière la roue d'un moulin, caché sous des bottes de paille, ou surpris dans les genêts ou les bois... »

 

(1) Cf. la lettre éloquente du curé non assermenté de Notre-

Dame de Cholet, M. Rabin.

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 « Ces tristes scènes se renouvelaient dans toute la Vendée et si les campagnards hésitaient encore à prendre les armes pour défen­dre les victimes, du moins commençaient-ils à éprouver une haine profonde pour les tyrans » (1).

Contre les gardes nationaux détestés, l'accord était unanime et les paysans, jadis doux et paisibles, ne songeaient plus qu'à la vengeance devant leurs maisons envahies et leurs femmes insultées.

II n'était pas besoin d'une conspiration pour les entraîner à la révolte. Le premier incident venu devait leur mettre les armes à la main.

 

Cette immense inquiétude des esprits, aggravée par la déclaration de guerre et bientôt par la proclamation de « la Patrie en danger », eut pour conséquence nécessaire, alors comme à toute autre époque, le ralentissement des échanges commerciaux et pour l'arti­san et l'ouvrier le manque de travail, ce que nous appelons aujour­d'hui «.le chômage ».

Et voici que retentissent des appels aux armes, des demandes de volontaires. C'est ce que note Louise Barbier :

« Les ouvriers ne faisaient plus rien.

« Pendant quelques temps, ou voulut faire partir tous les jeunes gens pour défendre la frontière. Ceux de la ville ne demandaient pas mieux ; mais ceux des champs ne voulurent pas obéir à cet ordre. »

Il est notoire qu'avant la Révolution, il eût été extrêmement difficile d'entrainer aux armées la jeunesse vendéenne, rebelle à l'appel de la milice.

Ces sentiments s'étaient manifestés avec vivacité lors de la rédaction des cahiers de 1789. A en juger par les plaintes exprimées, on pourrait croire que le service de là milice était une chose épouvantable ou pour le moins aussi gênante que notre service militaire actuel. II n'en était rien.

« Il ne se levait que peu d'hommes pour la milice. Le gouvernement se contentait d'un sur quarante et même cinquante... Maïs quand un homme tombait au sort, il se mettait à pleurer, s'arrachait les cheveux et donnait des marques du plus violent désespoir. Et pourtant de quoi s'agissait-il alors ? D'aller à Rochefort ou à La Rochelle faire l’exercice pendant quelques mois au bout duquel temps le milicien était renvoyé chez lui. Les engagements volon­taires suffisaient alors pour alimenter l'armée. » (1).

Si ce faible service causait tant d'émoi dans la Vendée, on peut s'imaginer sans peine la consternation que devait y déterminer l'appel de mars 1793. Si même tout avait été calme et parfait dans ces campagnes, il est probable que les opérations du tirage ne se seraient pas faites sans de violentes bagarres et des refus de tirer au sort. De nombreux réfractaires se seraient réfugiés dans les bois et sur les landes, mais il n'y aurait pas eu de révolte ouverte.

 

Il ne faut pas accuser le courage de ces jeunes gens. Leurs engagements dans les bataillons de Volontaires de la Révolution ne furent pas moins nombreux pour nos pays que pour le reste du département. Sur 577 inscrits au premier bataillon de Maine-et-Loire, Cholet compte trente noms et les campagnes environnantes trente-trois. On a vu, par la suite, que nos jeunes compatriotes étaient capables « de se battre comme des lions, de se conduire comme des héros, d'affronter la mort avec gaieté ». Dans ses Mémoires, parlant des Vendéens, Napoléon a rendu justice à leur vaillance, principalement à l'époque de l'invasion, en 1814.

«c Mais sans parti-pris et en toute équité, on peut se demander ce que ces paysans devaient à l'ensemble de la nation quand on vint les chercher pour les envoyer aux frontières. Depuis 1789, non seulement rien n'avait été fait matériellement en faveur de nos malheureuses campagnes, mais leur situation était devenue plus misérable encore, soit par les mauvaises récoltes, les pillages des vagabonds et des brigands, la fréquence des inondations, l'augmentation des impôts, etc..

« Les misères du corps étaient dépassées de mille coudées par celles de l'âme. Il y avait de la tristesse, de l'indignation et de la haine dans chacune des pauvres maisons de ce pays. On pleurait au coin de tous les foyers et c'était avec une poignante douleur que ces humbles chrétiens contemplaient leurs églises souillées et fermées, et leurs clochers désormais silencieux. » .

Et c'était le moment où leurs persécuteurs, menacés par les dangers extérieurs, voulaient contraindre nos compatriotes à marcher, — à leur place d'ailleurs et pour eux, au secours de cette Révolution, à laquelle ils ne devaient que des humiliations et des blessures. Vraiment, c'était trop exiger de la nature humaine. L'appel au tirage fut l'appel à l'insurrection.

Un courrier extraordinaire apporta à Angers, dans la nuit du 1" au 2 mars, le triple décret-loi qui fut lu, le 2 au matin, à la séance du Directoire. Le jour même, il était connu dans le département tout entier.

« La milice ! Le tirage ! Partir soldat !  Soldat de ligne ! On n'a pas l'idée aujourd'hui de ce que représentait en ce temps-la pour les paysans, au-dessous même de la milice, l'armée ! »

 

« Mœurs et discipline de galère ! Rebut des villes, des bouges, des prisons ! Autant valait rétablir la gabelle ! On n'eut pas fait pis.

« Ce fut un soulèvement d'horreur !» .

 

(1) BouTiLLiER de Saint-André. Mémoires d'un père a ses enfants, p. 83. - ________

 

L'INSURRECTION VICTORIEUSE

LE 3 MARS 1793.

La nouvelle de la levée extraordinaire de 300.000 hommes arriva à Cholet en plein marché.

Le lendemain, 3 mars, était un dimanche. Les garçons de la ville, au nombre de cinq à six cents, se réunirent chez un aubergiste. Un seul cri se fit entendre : « Il ne faut pas tirer ! On ne tirera pas ! Aux habits bleus de partir ! »

« Les uns voulaient que les patriotes seuls partissent ; d'autres que ce fussent seulement ceux qui composent la compagnie des grenadiers et celles canonniers. Les plus modérés voulaient qu'on empêchât les Messieurs de se faire remplacer, si le sort leur tombait, mais presque tous ont décidé qu'il ne fallait pas tirer et qu'on ne tirerait pas. ».

 

Les têtes s'échauffaient. Une rencontre eut bientôt lieu avec une patrouille de cinq hommes.

« Je me souviens que la première fois qu'il y eut une émeute on tua un des chefs des gardes nationaux, M. Combault, sur la place près de l'église Notre-Dame, qui portait le nom de place du Prieuré.

«  On lui coupa la jambe avec son sabre. »

Les souvenirs de Louise Barbier sont ici confus. M. Combault, capitaine des Grenadiers, ne fut pas tué, mais très grièvement blessé d'un coup de poignard entre les deux épaules. Ce fut le commandant de la Garde Nationale, Poché-Durocher, qui fut désarmé, renversé et qui eut le gras de la jambe sectionné d'un coup de son propre sabre (l).

Trois des mutins furent tués sur place, sept ou huit autres blessés dont quatre moururent à leur entrée à l'hôpital.

Les autres prirent la direction de Bégrolles et du May..

« Depuis cette malheureuse affaire, chacun avait peur. Il n'y eut plus de sécurité.

« On prenait les plus grandes précautions. On fît venir des troupes d'Angers ; c'étaient des Dragons (2). Comme on ne connaissait point ces soldats, qu'on en avait jamais vu, la crainte rétablit la paix pendant quelque temps (3).

« La Municipalité afficha le tirage pour le 12 mars 1793. Aussitôt le tocsin sonna à Saint-Pierre et dans les petites paroisses des environs. Mon oncle Brion, qui était fabricant au May, arriva en toute hâte, tremblant et effrayé, en nous disant que tous les paysans prenaient des fourches et des fusils et allaient arriver en révolte.

« Les patriotes voulaient les désarmer ; mais la Garde Nationale n'était plus maître (sic) de rien, malgré les efforts de M. de Beauveau qui faisait tout ce qu'il pouvait pour apaiser les esprits affolés.

« Tout Cholet était rassemblé sur la place du Château, où on avait planté l'arbre de la Liberté. Il y avait deux canons qu'on avait été chercher au château de Maulévrier. Tous les hommes furent appelés pour être de la Garde Nationale.

« Tout le monde avait peur. Ceux qui avaient de l'argent le cachait dans les champs, dans les puits, dans les caves.

« On disait que les ennemis allaient, arriver, qu'à Saint-Florent, les jeunes gens s'étaient refusés à tirer à là conscription, qu'il y avait eu bataille où les Républicains avaient été battus.

 

(1) Id. Seconde lettre du District au Département, le 4 mars 1793.

(2) Deux cent douze cavaliers du corps des dragons devaient arriver le 5 mars au soir sous la conduite du commandant Boisard. (Lettre du 5 mars, 8 heures du matin.)

(3) « Le calme semble s'être rétabli de lui-même, d'après le rapport de Desmaz.ières,, commissaire du Département envoyé avec le corps des dragons. On espère voir le recrutement s'opérer sans rixe. Déjà, il s'organise. » (11 mars 1793.)

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C'était vrai.

« Tous les paysans se mirent à suivre Cathelineau qui était à leur tête. C'était un roulier du Pin-en-Mauges, qui venait tous les samedis à Cholet et que j'avais vu bien des fois chez mon père. II était l'ami intime de mon oncle et de ma tante Brion, du May, où il arrêtait toujours en venant ou s'en retournant de Cholet.

« L'armée des Chouans s'organisait rapidement C'était tous des cultivateurs du pays et des gens de la ville et des bourgs qui étaient du même parti.

« Chacun avait son bissac de toile avec sa provision de pain noir et un morceau de lard fumé.

 

« Chaussés de sabots bourrés de paille, qu'ils quittaient de temps en temps, pour mieux courir ; coiffés de larges chapeaux de paille de leur fabrication ; de grands cheveux leur tombant sur le cou, ils étaient armés de faulx, de fourches et de vieux fusils rouilles ; leurs chapelets enroulés à leurs bras, ils avaient des feuilles d'arbres à leurs chapeaux pour se reconnaître.

« Quelques-uns de leurs chefs étaient montés sur des petits che-vaux sans selle, ni bride, qu'un bout de corde pour les con-duire. »

 

LA PRISE DE CHOLET

LE 14 MARS 1794.

 

« Après avoir pris Jallais et Chemillé, le mercredi 13 mars, ils arrivèrent sur les hauteurs de Cholet. C'était le (jeudi) 14 mars et se réunirent aux autres Chouans du Bas-Pays, amenés par Stofflet, qui avait pris leur commandement. C'était un garde-chasse de M. de Colbert, du château de Maulévrier.

« Tout Cholet avait grand peur. Ma belle-mère nous fît monter dans une petite chambre à côté de la grande chambre de l'auberge de mon père, du côté de la cour.

« On battait la générale. C'était un matin, vers six heures, qu'on nous apprit que vingt mille chouans arrivaient sur la route de Nuaillé et qu'ils allaient prendre Cholet. Alors la Garde Nationale, M. de Beauveau en tête, les dragons, les volontaires armés de piques, derrière le drapeau de la République, allèrent au-devant des Chouans qui étaient aux Pagannes.

« Chacun voyait partir son père, ses frères. Je me souviens que j'étais dans une chambre haute où la domestique de mon père nous avait enfermés et que mon frère Eugène, mes sœurs et moi nous voyions passer cette armée dans la rue Saint-Pierre.

« Les deux aînés de mes frères, Louis et Pierre, étaient allés se joindre aux volontaires. En entendant le canon de chez nous, nous pleurions, mes sœurs et moi, et nous priions le bon Dieu qu'il nous les ramène.

« Les Chouans avaient entouré l'armée républicaine ; sa déroute fut complète. On vit tous ces malheureux revenir couverts de sang et de boue, leurs vêtements déchirés. Les femmes et les enfants, qui étaient restés seuls dans la ville, rouvraient (sic) leurs portes ou leurs fenêtres pour reconnaître leurs maris ou leurs enfants.

« On rentra chez nous bien des blessés qu'on cacha dans une petite maison, chez David, qui était dans la cour de notre auberge. La grande salle était remplie de gens qui étaient revenus avec mes frères. C'était à qui raconterait les détails du combat.

« Pendant ce temps, les chouans étaient à prier et à remercier Dieu de leur victoire au calvaire du cimetière.

Ce fut le salut d'un grand nombre d'habitants qui eurent le temps de gagner la ville et de se mettre en lieu sûr.

« M. de Beauveau avait été blessé devant le château du Bois-Grolleau. Resté sur le terrain, il fut porté par les chouans auprès du calvaire (1) et abandonné en proie aux plus atroces souffrances. Il y mourut la nuit suivante, demandant à boire de l'eau ; mais les paysans, qui le détestaient, lui firent boire un verre de son sang.

 

 (1) Ce calvaire existe encore auprès de l'ancien cimetière de

Saint-Pierre. II domine la rue Sadi-Carnot.

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Il fut enterré dans le nouveau cimetière de Saint-Pierre de Cholet (1).

« Les Chouans entrèrent à Cholet, sur les quatre heures de l'après-midi, en frappant aux portes et en brisant tout ce qui se trouvait sous leurs mains, et massacrant ceux que leurs blessures avaient retardés dans leur fuite.

« Les uns entourèrent le château ; les autres se répandirent dans la ville, en massacrant tout ce qui se trouvait sous leurs coups. M. Lespinasse, chef de la Poste aux lettres, fut tué dans son bureau. Les enfants de ma tante Blain furent assommés ; la pauvre mère en mourut de chagrin quelques mois après. Les enfants de M. de Crolle, le régisseur du seigneur de Cholet, le duc d'Havre, furent aussi tués. Les chouans lui en voulaient parce que c'était lui qui avait fait remplacer M. Rabin, par son frère, le prêtre constitutionnel. M. Briodeau, fut tué au Bretonnais, èn sortant de chez Mme Dupin.

 

« Enfin les paysans, après avoir sommé la petite armée du château de se rendre, ne recevant pas de réponse que les coups de fusils qu'on leur tirait par les meurtrières de la petite forteresse, fatigués de tant de résistance, mirent le feu au château. En un moment la flamme s'éleva et entoura les malheureux qui défendaient la place. Les Chouans leur criaient : « Rendez-vous !.. il ne vous sera fait aucun mal. Les chefs catholiques vous assurent vie et sécurité... Si au contraire vous persistez, nous allons incendier la ville entière... »

« C'était vers cinq heures du soir. Tous ces malheureux, qui se voyaient perdus, furent obligés de se rendre. Ils furent faits prisonniers, les mains attachés derrière le dos ; on les conduisit sous les halles.

« Les Chouans essayèrent d'arrêter l'incendie du château. La nuit fut horrible ; le tocsin sonnait ; les habitants étaient remplis d'effroi. Les soldats de l'armée catholique s'étaient logés partout ; notre maison en était remplie.

« C'étaient des paysans, des prêtres déguisés, qui ne cherchaient à faire aucun mal. Acculés sur leurs talons, ils mangeaient leurs morceaux de pain noir avec du lard bouilli qu'ils tiraient de leurs bissacs, après avoir récité leur bénédicité.

 

« Le lendemain, 15 mars, le soleil en se levant éclaira un triste tableau dont le souvenir me fait frémir d'horreur : toutes les rues, particulièrement par chez nous (sic), étaient couvertes de cadavres que nous cherchions à reconnaître par les fenêtres, car personne n'osait aller les relever de peur de se compromettre et d'être tué.

Sur la route du Bois-Grolleau jusqu'aux Pagannes, les morts étaient entassés les uns sur les autres.

« Cependant les Vendéens s'étaient réunis le matin et parlaient de fusiller les malheureux prisonniers qui étaient sous les halles. Ils vinrent à la mairie qui était presque en face de chez nous (1). Ils y prirent toutes les archives et les papiers du District, les portèrent sur la place du château et en firent un feu de joie. Ils firent aussi sommation à tous les habitants qui avaient des armes chez eux de les porter au château, sous peine de mort. »

 

(1) « Aujourd'hui, le n° 15 de la rue Saint-Pierre »,. ajoute M. Joseph Chaillou, en 1890. Il semble que ce soit l'immeuble existant encore immédiatement au-dessus du beau portail de granit, l'immeuble dont la porte est surmontée d'un arc plein cintre et s'ouvre sur un perron extérieur, débordant sur le trottoir.

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APRÈS LA VICTOIRE.

 

« Bien des nobles qui s'étaient cachés arrivèrent se joindre à cette armée : Bonchamps (le 21 Mars, à Chalonnes), d'Elbée (le 19 Mars, à Chémillé), Henri de la Rochejacquelein (le 14 Avril, à Cholet), Lescure (du château de Clisson — Deux-Sèvres, — au début de Mai après la prise de Bressuîre.)

« Le Jeudi-Saint arriva dans ce mois-là (le 28 mars 1793). Il y eut une procession. Les Chouans reportèrent à Bellefontaine une Vierge miraculeuse qui avait été apportée à Cholet pour la cacher (1)

« Le jour de Pâques (le 31 Mars 1793), on alla au château chercher les prisonnier pour les conduire à la grand'messe à Saint-Pierre. Tous étaient des négociants de Cholet ; ils étaient couverts de boue, leurs vêtements déchirés. Tout le monde pleurait à l'église.

 

« C'était M. Boisnaud qui disait la messe ; il s'était caché pour ne pas avoir voulu prêter serment et venait de reparaître.

« Après la messe, on reconduisit les prisonniers au château, en descendant la rue Saint-Pierre entre deux haies de paysans armés, avec des cocardes blanches à leurs chapeaux et un superbe drapeau qu'avait donné ce jour-là Mme de la Rochejacquelein. »

Louise Barbier fait certainement erreur ici sur le nom de la donatrice. Mme de la Rochejacquelein était à cette époque Mme de Lescure et en surveillance au château de Clisson avec son mari et son père, M. de Donnisseau. Henri de !a Rochejacquelein n'avait pas encore rejoint les armées angevines et venait seulement d'être informé du soulèvement par sa tante, Mlle de La Rochejacquelein, qui note dans ses « Souvenirs sur ma famille »  :

« Fête de Pâques. — Henry, mon neveu et M. de la Cassaigne vinrent de Clisson à la Durbelière. »

 

(1) Il s'agit de la Vierge qui, de temps immémorial, était en grande vénération dans une humble et étroite chapelle avec toit en dos d'âne comme il en existe dans beaucoup de carrefours, à la lisière d'un bois dépendant de l'abbaye de Bellefontaine.

Le 27 août 1791, sur l'ordre du Département, des détachements de gendarmerie et de gardes nationaux des pays voisins accompagnèrent le curé constitutionnel de Notre-Dame de Cholet, qui firent enlever la Vierge et démolirent la chapelle. La statue fut amenée processionnellement à Cholet.

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LE COMBAT DU BOIS-GROLLEAU

(18-19 AVRIL 1793).

 

« Cependant les Vendéens perdirent plusieurs batailles à Chemillé, à Saint-Florent. Les généraux républicains arrivèrent jusqu'à Vczins. Pendant ce temps, les chefs vendéens voulaient tuer leurs prisonniers qui étaient au château, mais ils eurent peur en voyant arriver les secours de la République. »

Cet événement est également rapporté dans le recueil de documents publiés par Savary, qui décrit le trouble des troupes vendéennes et insiste sur les épreuves que subirent les prisonniers de Cholet, le 10 avril, quand fut connue l'avancée de Leigonyer sur Coron et Vezins.

« Vers le milieu de la nuit » (du 10 au 11 avril), note Savary, « d'Elbée, accompagné de plusieurs officiers vendéens, arrive à Cholet. On y tient conseil ; il ne restait plus de munitions, l'armée était débandée, tout semblait désespéré. Chacun dépose ses décorations ; on va jusqu'à faire courir dans la ville le bruit de la mort de d'Elbée.

« Cette nouvelle effraie tout le monde. D'Elbée part avec sa suite vers cinq heures du matin et s'enfuit à Tiffauges. »

Les prisonniers du château, voyant l'inquiétude de leurs gardiens, profitèrent du trouble pour tenter de reprendre leur liberté et décidèrent de sortir de Cholet.

« Ces dispositions concertées, j'entrai au Comité dont les membres étaient encore effrayés du spectacle de la veille et de l'inuti-lité de leurs efforts. Je leur déclarai « raconte Savary », au nom de tous les prisonniers, que nous allions pourvoir à notre sûreté, en abandonnant nos foyers. Ils firent des vœux pour nous.

« La route de Vezins se trouva bientôt couverte d'hommes, de femmes et d'enfants, fuyant une terre de désolation. Quelques braves, armés de pistolets et de bâtons, formèrent l'arrière-garde. On aperçut au loin, sur les derrières, quelques cavaliers vendéens, et bientôt on vit paraître en avant une patrouille de cinq chasseurs à cheval, commandée par le brave Duchatel. Dès lors, tout le monde se crut en sûreté. » .

« Ce fut la première émigration de Cholet, car chacun se sauvait en entendant dire que ces Républicains allaient venir se battre avec les Chouans. C'était triste de voir tout le monde se cacher, se sauver sans savoir où ils allaient (sic).

« Quarante mille hommes de troupes républicaines entrèrent dans la ville, le 17 avril au soir (1).

« Comme la ville n'avait pas d'éclairage public, ils ordonnèrent de mettre des chandelles aux fenêtres pour éclairer les rues et le lendemain matin une bataille eut encore lieu au Bois-Grolieau où Charette (2) fît incendier le château.

« Ce furent encore les Vendéens qui remportèrent la bataille. C'est à ce combat que fut tué mon oncle Brion (du May). Un coup de fusil l'atteignit dans les charmilles du parc. Il laissait une jeune veuve et six enfants dont la plus jeune (la cousine Brejon), avait dix-huit mois (3).

« Les Chouans revinrent encore à Cholet. Ils allèrent élever un autel sur la place du château, autour duquel ils remercièrent Dieu de leur victoire.

 

(1) L'exagération est ici manifeste. Les troupes républicaines étaient loin d'être aussi nombreuses.

(2) Erreur  de  nom. Charetle ne vint pas à Cholet à cette époque.

(3) Registres de M. Boisnaud, curé de Saint-Pierre : à la date du 20 avril 1793 : « Sépultures de Louis Gaufreton. mort la veille. 32 ans, et de Pierre Brion, du May, 36 ans. >

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« L'armée vendéenne entière traversa Cholet. Le défilé dura six heures, une demi-journée, par la grand'route de Vihiers à Mortagne, précédé de vingt-neuf tambours.

Chaque paroisse portait son drapeau en tête

« Tout l'été les chouans furent les maîtrës.

« Il y avait de temps en temps des petites batailles où ils gagnaient toujours. »

 

L'EXPIATION

LA BATAILLE DE CHOLET

(17 OCTOBRE 1793).

 

« Au mois d'octobre, eut lieu le fameux combat de la lande de la Papinière. C'est là que fut blessé Bonchamps qu'on emporta sur un brancard jusqu'à Saint-Florent, où il mourut en arrivant après avoir demandé : « Grâce aux prisonniers ! »

« Le combat dura six heures ; jamais on ne vit tant de cadavres. Les Vendéens perdirent la bataille.

« Les Républicains et leurs généraux, Kléber, Lechelle, Carrier, Merlin (1) rentrèrent à Cholet qui était presque désert, car tout le monde s'était caché pendant le combat.

« Le lendemain matin, on ordonna aux habitants d'aller relever les cadavres. J'étais enfant. Je courus avec tout le monde. Ah ! mon Dieu ! que c'était triste de voir, — et je vois comme si j'y étais encore, — le plateau de Bégrolles où les cadavres étaient entassés dans des mares de sang, les blessés qui criaient et demandaient secours et qu'on emportait sur des brancards de branches (sic).

« Pendant ce temps, les soldats entraient dans les maisons et prenaient tout ce qu'ils pouvaient trouver.

Le général Kléber parcourait la ville sur un beau cheval blanc, en tête de l'état-major, rassurant tout le monde et punissant les soldats qui voulaient s'emparer de tout. »

 

(1) Kléber commandait l'armée dite « de Mayence » envoyée en renfort à l'armée de l'Ouest pour combattre les Vendéens, après la reddition de cette place.

Lechelle commandait nominativement l'armée chargée de soumettre l'insurrection vendéenne. En réalité les ordres étaient donnés par Kléber.

Carrier et Merlin (de Thîonville) étaient deux conventionnels envoyés en mission auprès de l'armée et dans les départements insurgés ; Carrier s'acquit quelques mois plus lard, à Nantes, une abominable réputation.

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Ainsi, Louise Barbier ne nous donne sur la bataille de Cholet que les quelques détails, vécus et vivants, qui frappèrent sa jeune imagination. Elle n'indique pas les combats qui eurent lieu, l'avant-veille, entre La Tremblaye et Saint-Christophe. Elle note seulement ce fait, unanimement rapporté par tous ceux qui vécurent ces tristes journées, de l'abandon par nos concitoyens de leur ville et de leurs demeures, à l'entrée des troupes républicaines.

Notre mémorialiste ne semble pas avoir conservé souvenance de l'émigration vers la Loire, de la « tournée de galerne », à laquelle elle n'assista pas, d'ailleurs : Le séjour des républi-cains à Cholet, pendant les mois de novembre et de décembre 1793, les recherches du premier Comité Révolutionnaire et les arrestations qu'il fit opérer n'ont pas laissé de traces dans ses souvenirs. Les terribles angoisses des premiers mois de 1794, de l’« hiver rouge » et les douleurs de l'exil se sont gravées si profondément dans sa mémoire, qu'aucune place n'y est demeurée précise pour le cours moins mouvementée de la vie en cette fin d'année.

Pour y suppléer, nous avons heureusement la relation d'une de ses sœurs. Victoire Barbier, de cinq ans plus âgée que Louise, et qui fut entrainée dans la folle équipée d'outre-Loire.

 

LE PASSAGE DE LA LOIRE

(18 OCTOBRE 1793).

 

« Je fus recueillie par ma tante Brion, qui habitait le May. Son mari était allé se joindre aux Vendéens, laissant sa femme et ses six enfants. Il fut tué le 20 avril 1793, à la bataille du Bois-Grolleau, près de Cholet.

« Il y avait environ deux mois que j'étais chez ma tante ; je l'aidais à soigner ses enfants dont la plus jeune, qui fut la cousine Bréjeon, avait environ deux ans.

Comme j'étais forte, je lui rendais quelques services, car elle était à peu près sans ressources, quoique ayant des propriétés sur la place du May. Son argent était caché, et elle vivait du produit de son jardin.

 

« C'était au mois d'octobre (1793), je me souviens. Tout à coup on entendit battre la générale et sonner le tocsin.

On disait que les bleus avaient battu les chouans à Cholet, que ce qui restait de la ville brûlait et qu'ils poursuivaient les malheureux vaincus. Ma tante nous fit ramasser quelques effets et nous suivîmes la foule des émigrés qui se dirigeaient sur Saint-Florent pour y passer la Loire (1),

 « Soldats, femmes, enfants, vieillards et blessés, tous étaient pêle-mêle, fuyant le meurtre et l'incendie. Ils se sauvaient, laissant leurs villages que brûlaient les républicains sur leur passage. On n'entendait que des pleurs, des gémissements, des cris, et dans cette foule confuse, chacun cherchait à retrouver ses parents, ses amis ou des appuis et des défenseurs, car on ne savait pas quel sort on allait rencontrer sur l'autre rive.

« Il fallait voir pourtant comme chacun s'empressait pour y passer, comme si, au delà du fleuve, on avait dû trouver la fin de tous ces maux.

« Une vingtaine de mauvaises barques portaient successivement les fugitifs qui s'y entassaient. D'autres cherchaient à traverser sur des chevaux ; tous suppliaient qu'on vînt les chercher, en regardant derrière soi si l'ennemi n'arrivait pas. C'était navrant de voir cette foule égarée avec cette terrible incertitude de l'avenir.

« L'armée vendéenne arriva, amenant M. de Bonchamps qui avait été blessé près de Cholet, avec cinq mille prisonniers républicains conduits par M. Cesbron(2), commandant de Cholet. A chaque instant on en fusillait, malgré les supplications de M. de Bonchamps. Ce

dernier, couché sur un matelas et mourant, criait :

« Grâce aux prisonniers ! » Il fut enterré sur les bords de la Loire.

 

(1) « La tante Brion ondoya un enfant de Mme de la Bouere venu au monde dans un champ de genêts, près Saint-Florent. » (Note de M. J. Chaillou.)

(2) Cesbron d'Argonnes, né le 15 octobre 1733, commandait la place de Cholçt pour les Vendéens. Préposé à la garde des prisonniers, il passait pour être dur envers eux. Il signa avec Stofflet la pacification du 2 mai 1795.

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« Je me souviens que nous fûmes traversées sur la Loire (sic) par un prêtre déguisé en paysan. Il était exténué de fatigue, car depuis deux jours il n'avait cessé de passer les Vendéens.

« Une fois arrivé à l'autre rive, chacun attendait sur l'herbe ses parents, ses connaissances pour se rallier à eux. Je me mis à la recherche de ma tante, que je trouvai avec ses enfants, dans un petit hameau tout brûlé.

Elle arrachait des pommes de terre dans le jardin pour se procurer un peu de nourriture et calmer notre faim.

Nous nous jetâmes dessus avec avidité ; nous n'avions rien autre, car, bien qu'elle avait conservé de l'argent, on ne pouvait rien acheter.

« Nous nous mîmes en marche pour suivre l'armée vendéenne. J'étais accablée par la fatigue. Mes sabots étaient cassés et me blessaient les pieds. Ma tante Brion avait hissé sa petite fille derrière un cavalier, mis trois ou quatre autres enfants dans une ambulance et traînait un autre par la main, après m'en avoir mis un sur le dos, me menaçant à chaque instant de m'abandonner seule,

si je n'allais pas plus vite. »

 

LA TOURNÉE DE GALERNE

« Nous arrivâmes ainsi à Candé, pensant, nous y reposer, lorsque nous entendîmes crier : « Voilà les Bleus ! »

Nous ne savions où fuir ; heureusement que ces cris d'alarme renouvelés à chaque instant étaient souvent mal fondés.

« Si vous saviez quel singulier et lugubre spectacle que cette fuite de l'armée vendéenne : une troupe sans ordre traînant des canons, toutes sortes d'armes et de bagages ; des vieux chevaux portant les enfants ; les vieillards soutenus par leurs fils ; des blessés se traînant à peine ; des soldats déguenillés groupés sans ordre. Cette triste procession occupait quatre lieues de longueur.

« A Scgré, où l'on s'arrêta, les paysans firent un feu de joie de tous les papiers de l'administration, au pied de l'arbre de la liberté. Ensuite, par une pluie battante, nous nous rendîmes à Château-Gontier. Je me souviens n'avoir mangé que deux pommes dans ma journée ; j'étais accablée de fatigue et de faim.

Nous y vîmes un monceau de prisonniers que les bleus venaient de massacrer ; les ruisseaux étaient tout rouges du sang de ces malheureux.

« Nous partîmes de suite pour Laval, où nous fûmes très bien reçus. Nous y restâmes neuf jours. Nous couchions dans une cave ; ma tante avait arboré son mouchoir blanc au bout d'un bâton, pour nous donner aide et protection. On nous distribuait du riz à l'eau, quelques pommes de terre et des raisins verts. Nous reprîmes là un peu de forces.

« L'armée quitta Laval, le lendemain de la Toussaint, où nous avions assisté à une messe dite par un évêque caché dans nos rangs. Nous allâmes jusqu'à Mayenne.

En y arrivant, de bons soldats nous firent chauffer et nous cachèrent, car les habitants, surtout les femmes du pays, jetaient des pierres sur les « brigands de la Vendée », comme on nous appelait. Le pillage était permis dans la ville.

« Nous en repartîmes précipitamment pour Le Mans.

En y arrivant, il y avait une terrible bataille. On ne trouvait pas à camper dans les fermes. La route était remplie de gens qui fuyaient ou marchaient sur des cadavres ou des mourants dans les fossés. Ceux qui se sauvaient étaient repris par les républicains et conduits immédiatement sur l'échafaud sans être jugés.

« Nous n'arrêtâmes pas dans la ville, car ma tante Brion trouva un monsieur de Cholet, nommé Allard, chef des chouans en renom, qui l'engagea fortement à revenir du côté de Nantes.

« Nous revenions avec d'autres connaissances du pays par des chemins détournés où l'on enfonçait à mi-jambe.

J'étais vêtue en paysanne ; j'avais sur la tête un capuchon de laine violette que nous avions pris à une pauvre grande dame tuée et restée sur la route. On nous dit que c'était Mme de la Frégeolièrè, de Trémentmes, près Cholet. Je me souviens de ce nom. J'avais un morceau de drap bleu, jeté sur mes épaules et attaché par devant avec des ficelles. II faisait un froid excessif. Pour des chaussures, (sic), je n'avais pas d'autres bas que ceux que je portais en quittant Le May.

Arrivée près de Saumur, je perdis ma tante qui avait suivi une colonne de fugitifs, se dirigeant sur Nantes.

J'espérais, cependant, bientôt la rejoindre. Je couchai dans une ferme, sous une meule de paille. Au même instant, arriva une petite troupe de républicains qui fouillaient partout dans les recoins, espérant trouver des Vendéens cachés. Je sentis la pique des baïonnettes qui sondaient le tas de paille ; j'étais plus morte que vive.

Je partis le lendemain au petit jour en suivant les voitures de réquisitions et j'arrivai près de Saumur, espérant y retrouver ma tante. J'avais 17 ans ; j'étais sans asile, exposée à toute sorte de propos ; j'étais malade, exténuée. Près de la ville, je passai la nuit dans un creux d'arbre et fut sauvé par une brave femme.

Elle se nommait la mère Manet ; elle assura aux bleus que j'étais sa fille et, pour me faire entrer avec moins de difficultés dans la ville où elle allait tous les jours porter des provisions, elle me mit une paire de poulets dans la main et un bissac de légumes sur le dos. Elle me conduisit chez une de ses parentes qui lui avait demandé une domestique. A l'octroi, on me fit cracher sur une cocarde blanche et attacher une tricolore sur la poitrine. On m'avait bien défendu de dire que j'étais de Cholet, car ceux qui étaient connus Vendéens étaient vite pris et, sans aucune expli-cation, on les conduisait en prison.

« Je restai en place deux ans chez un boulanger... »

 

FIN D'ANNÉE 1793 A CHOLET.

 

Mais tous n'avaient pas quitté le pays.

Un certain nombre de nos compatriotes, après avoir tournoyé de hameaux en villages, avait réintégré leurs demeures.

Le généralissime vendéen d'Elbée s'était montré opposé au passage de la Loire. Blessé également à la bataille de Cholet, il s'était réfugié près de Beaupréau et n'avait pas voulu partager le sort de l'armée.

Un groupe de paysans, réunis par Pierre Cathelineau, lui étaient restés fidèles et entreprirent de l'aller mettre en sûreté à Noirmoutier.

Pendant quelques temps, le calme régna donc dans notre pays.

« Après le passage de la Loire », écrit Savary, « il ne restait dans la haute Vendée aucun des chefs, aucun rassemblement à craindre. Tous les braves de l'armée vendéenne erraient sur un sol étranger à cette contrée. Toutes les illusions, tous les prestiges du fanatisme avaient disparu avec les prêtres... » (?)

Louise Barbier va bientôt nous indiquer, — et c'est le seul souvenir qu'elle semble avoir conservé de ces jours, — à quel autre genre de fanatisme les dévots de la « Déesse Raison » pouvaient se livrer.

« On pourrait donc considérer cette portion du territoire de la Vendée », continue Savary, « comme un pays soumis, depuis la Sèvre jusqu'à Saumur. Il ne fallait plus y assurer la paix et la tranquillité, qu'une surveillance active, dirigée par des principes de clémence, d'humanité et de justice. »

Ce fut le contraire qui se produisit.

A la suite des armées, après leur passage, les autorités locales républicaines tentèrent de se reconstituer. En peu de jours, elles furent supplantées par le Comité Révolutionnaire, qu'un prêtre assermenté, curé intrus de Trémentines abandonnant sa soutane et son ministère, Robin de Méricourt, vint former à Cholet.

Plus de cinq cents arrestations furent faites dans notre ville et aux environs alimentant en victimes les fusillades et les noyades d'Angers et des Ponts-de-Cé. « Fanatique », tel est le mot que comporte la presque unanimité des condamnations, dont le motif est l'attachement de nos concitoyens à leur foi religieuse.

C'est l'époque, d'ailleurs, de la « déchristianisation », du « soulèvement antireligieux » selon le mot de M. Ch.-L. Chassin qui sévit pendant les mois de brumaire et de frimaire, au II.

 

Les abjurations et les déprétisations se succèdent sur un rythme accéléré. La Convention institue son calendrier de l'ère nouvelle, par ses décrets du 5 octobre et du 24 novembre 1793.

Les fêtes décadaires sont inaugurées par Lequinio et Laignelot, les 31 octobre et 10 novembre, à Rochefort, à Niort, à Saint-Maixent, etc.

Une ou plusieurs « cérémonies » de ce genre eurent lieu à Cholet, â des dates que nous n'avons pu préciser. Nous en trouvons l'écho dans les papiers de Louise Barbier.

« Les prêtres étaient enfouis dans les prisons, ou cachés au fond des bois et des grands genêts qu'il y avait alors.

« Les semaines étaient de dix jours et s'appelaient décades.

« On faisait de temps en temps des processions de la Liberté. C'était M!Ie Coulonnier, dont le père tenait la poste aux lettres, qui faisait la déesse, coiffée du bonnet phrygien et drapée à la romaine. Elle tenait en main le drapeau de la Révolution ; à ses pieds était assis un paysan du Carteron, qu'on appelait Dupé et qui était habillé en empereur romain ; il représentait le dieu de l'agriculture.

« L'Eglise était fermée ; de chez nous, j'ai vu brûler les confessionnaux, devant la porte ; les statues des saints furent jetées au milieu des flammes.

« J'allais une fois à la messe, à la ferme de la Goubaudière. C'était le mariage de Viaud, l'hôtelier de la Croix-Blanche, .un de nos amis. Rien n'était si triste que ces cérémonies lugubres. L'autel était dressé sur une table éclairée par deux lumières qui laissaient le reste de la pièce dans l'obscurité, Les prières étaient dites à voix basses et toujours avec la crainte d'être surpris.

« Puis, nous nous en revenions tous, les uns après les autres par des chemins détournés, avant le jour.

« Beaucoup de personnes y furent enterrées. Le cimetière existe toujours ; le fermier n'a pas voulu y toucher et le laisse inculte.

 

 

1794 - L'HIVER ROUGE.

C'est le général Turreau qui s'était chargé de rechercher tous les royalistes. Quand on lui en ammenait, il les regardait en disait à ses soldats : «Donnez-leur un billet d'hôpital ! »

« Aussitôt on les emmenait dans un pré, derrière l'église Saint-Pierre et on les fusillait sans les entendre.

« En entendant ces coups de feu, chacun croyait que c'était ses parents qui subissaient ce triste sort.

Le général était logé près de l'église, à l'Hôtel de la Croix-Blanche (1).

« Chacun était caché dans sa maison et ne sortait que le soir chercher de quoi manger encore. Nous ne vivions que de châtaignes et de pommes. Les boulangers faisaient peu de pain et le vendaient trop cher souvent il était impossible de s'en procurer car tout était pris par les troupes qui se le disputaient.

« Après avoir entré (sic), dans les maisons, les soldats fouil-laient les meubles, défonçaient les portes et menaçaient de tuer ceux qui s'opposaient. Ils allaient jusqu'à arracher les anneaux et les boucles d'oreilles des pauvres femmes. C'était à qui en aurait le plus ; ils se faisaient gloire de faire sonner leurs poches.

« Ils allèrent chez ma tante Coudrais qui était veuve, vivant de son revenu avec quatre ou cinq enfants en bas-âge »

« Ceux-ci criaient et se jetèrent aux pieds des soldats, qui se contentaient d'emporter toute la nourriture sans leur faire du mal.

« C'est à cette époque que le général La Rochejacquelin fut tué à la Haie Bureau, par un grenadier qui faisait semblant de se rendre.

« Le général Caffin, terrible et sanguinaire, fit fusiller vingt-cinq personnes qu'on avait trouvées dans un champ de genêts, à la Croix de Beault, en disant qu'il fallait purger le pays pour le guérir.

 

 (1) Aujourd'hui Hôtel du Bœuf couronné.

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 « Les Républicains avaient aussi dressé des chiens qui portaient des colliers à grelots, à flairer les cadavres et à les dévorer. Souvent ils surprenaient des malheureux blessés cachés dans les broussailles, les mordaient et ne les laissaient que quand les soldats les avaient tués à coups de baïonnettes.

« M. de Rillé qui était le porte-drapeau de Stofflet fut haché en morceaux.

« Une de mes amies, Eléonore Gourdon, la grand-mère des messieurs Coubard(1) fut mise en joue par un hussard ; le coup ne l'attei-gnit pas, mais la frayeur l'ayant fait tomber, le soldat accourut pour l'achever. Sa jeune fille qui pouvait avoir quinze ans, put se défendre, lui arracha son sabre et lutta contre lui, mais ne dut son salut qu'à l'arrivée de plusieurs personnes qui la défendirent.

« Ma tante Coudrais se défendit un jour avec sa broche à rôtir mais presque tous ces soldats étaient lâches et s'enfuyaient à la moindre alarme.

« Il se passa des cruautés que je ne pourrais croire si je ne les avais pas vues. Un soir des soldats arrivèrent, défoncèrent notre porte et pillèrent tout ce qu'il y avait dans la maison. Chacun s'enfuit.

« Ma belle-mère (Marie Braud) avait un jeune enfant de trois ans que mon père avait eu de son second mariage. Un soldat le lui enleva au bout de sa baïonnette laissant la pauvre mère évanouie.

« Il arriva un jour deux hussards qui venaient d'une excursion et rapportaient un chapelet fait avec des oreilles humaines. Ces barbares, en vrais sauvages, les mettaient sur le gril et les mangeaient en débitant des horreurs qui faisaient frémir.

Le général Boucret était à la Tessoualle, à dix kilomètres et brûlait tout le bourg et l'église. Il fit mettre le feu dans un grand champ de genêts, dans le bas des Juchellières, où tous les habitants étaient réfugiés et il faisait tirer sur ceux qui voulaient s'échapper. Mon frère Louis, qui y travaillait à tisser de la toile, se sauva en traversant la rivière et arriva nous raconter ce massacre où périrent plus de soixante personnes.

 

(1) ancêtre du Dr Coubard (fondateur du souvenir Vendéen)

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« C'est à cette époque que ma belle-mère céda son hôtel. Mon pauvre père était mort depuis trois ans et elle ne pouvait plus s'ocuper d'une aussi nombreuse famille, car nous étions encore dix à la maison. Ma sœur Renée était mariée à Mortagne avec François Cherbonnier ; j'avais un frère qui se nommait Pierre et qui avait été enrôlé dans les troupes républicaines par son sort de la conscription. C'était un jeune homme doux et aimable, que nous n'avons jamais revu, car il fut tué en Bohême, à côté d'un ami qui, revenu plus tard, nous raconta ses dernières recommandations et nous dit son regret de mourir loin de ses parents sans pouvoir les embrasser.

« Mon frère aîné, Louis, travaillait à la Tessoualle et partit bientôt soldat dans le Nord. Ma sœur Victoire était partie depuis quelque temps chez ma tante Brion, au May...

« Nous fûmes tous dispersés de la maison paternelle, avec un héritage bien facile à partager. Il nous restait bien la maison qui avait une certaine valeur et de plus elle était au trois-quarts incendiée. Nous fûmes placés chez les uns et les autres de la famille. Ma sœur aînée, Renée, prit ma sœur, Cécile, et l'emmena à Mortagne.

Ma sœur Jeanne fut recueillie chez mon oncle Blain. Mon frère Eugène avait été emmené par ma tante Coudrais.

« Je fus placée chez mon cousin Delhumeau, qui était mon tuteur. J'étais bien partagée ; ces parents me portaient beaucoup d'affection ; ils étaient fabriquants de toiles et mouchoirs au Brctonnais, et dans une grande aisance. Ils n'avaient qu'un fils unique qui pouvait alors avoir vingt-cinq ans.

 

COMBAT DANS LES RUES DE CHOLET.

« Une nuit, on vint nous annoncer que les chouans arrivaient en masse et environnaient la ville. Le tambour battait. Ils entrèrent tout à coup à Cholet, tuant tous ceux qui ne criaient pas : « Vive le Roi ! ». Cette journée fut remplie d'angoisse pour tous. Le soir, ma cousine entendit frapper à la porte du jardin qui avait issue sur une petite ruelle. C'étaient deux grenadiers de l'armée de Mayence (?) qui, cachés dans la cour, attendaient la nuit

pour se sauver. Ils n'en avaient plus la force ; tous les deux blessés, ils se soutenaient l'un et l'autre. « Citoyennes », nous dirent-ils, d'une voix faible, « hâtez-vous de nous ouvrir, sans quoi nous allons être massacrés par les brigands. » Ma cousine hésitait à les faire entrer chez elle. Elle et son mari étaient très royalistes. Son mari et son fils étaient partis se battre contre les bleus, sur la route de la Séguinière. Mais son cœur la décida. Je lui aidai à les soigner, car ils étaient si exténués qu'ils faisaient vraiment pitié.

« Au même instant, on frappa violemment à la porte de la rue. C'était une bande de Chouans qui rapportaient sur une civière le fils de mon tuteur, Louis Delhumeau, qui avait été blessé sur la route de Nantes. Ils déposèrent leur fardeau et se sauvèrent au plus vite, nous disant que c'étaient les bleus qui étaient maîtres de la ville. Le pauvre blessé était dans un état désespéré. On courut chercher un prêtre qui vint dans la nuit, déguisé, lui administrer les derniers secours de la religion. Il mourut quelques instants après. On l'enterra le lendemain avec le général Moulin, au pied de l'arbre de la Liberté, sur la place du château.

« Tous les jours, il arrivait des Iroupes républicaines en guenilles, qui pillaient et prenaient tout dans les maisons. »

De son côté, Cécile Barbier a laissé en note les souvenirs suivants qui se rapportent à cette époque et aux jours qui suivirent l'évacuation de Cholet. Nous les donnons de suite pour ne plus interrompre le récit de sa sœur Louise :

 

« Lorsqu'il fallut quitter la maison paternelle, je fus désignée pour aller chez ma marraine, qui était ma sœur Renée, mariée à Mortagne avec François Charbonnier."

« Nous étions affolées par la terreur et les crimes atroces qu'on voyait commettre tous les jours. Quelques semaines avant, j'avais vu embrocher l'enfant de ma belle-mère, qui pouvait avoir trois ans par le sabre d'un soldat abruti qui voulait toutes nous tuer, si nous ne nous étions pas sauvées au plus vite.

 

« Une de mes sœurs, Modeste, âgée de vingt-trois ans environ, fut fusillée pendant la guerre.

« Elle s'était réfugiée dans une cave avec une vingtaine de per-sonnes. Ils y étaient depuis plus de quinze jours, s'y croyaient en sécurité et attendaient pour sortir « un calme de troupes » (sic) (1). Un ami dévoué leur faisait passer des vivres, en les mettant au courant de la situation.

« Par malheur, ils avaient un petit chien caché avec eux. Un jour qu'une patrouille de bleus cherchait et fouillait partout, le chien se mit à aboyer et trahit ainsi les malheureux cachés qui se croyaient en sûreté. Ils furent aussitôt tous fusillés.

« C'était dans les carrières de la place Saint-Pierre, où était le cimetière qu'on venait de changer pour le mettre où il est actuel-lement.

 

ÉVACUATION DE CHOLET.

« Un ordre vint de la Convention, nous dit le récit de Louise Barbier que nous reprenons, que tous les réfugiés sortiraient de la Vendée. Par réfugiés, on entendait tous les habitants du pays. Les généraux Turrcau et Grignon, — je n'oublierai jamais les noms de ces monstres-là, — ordonnèrent de brûler tout ce qui restait de la ville de Cholet, détruire les maisons, égorger les habitants sans épargner ni les femmes, ni les enfants, ni les vieillards, s'ils n'étaient pas partis dans les vingt-quatre heures. Il n'y avait pas d'autres moyens de purger la ville de tous les brigands.

« Tout le monde pleurait de quitter sa maison, son père, sa mère, sa famille pour aller où ?... nous n'en savions rien.

 

(1) C'est-à-dire que les troupes ne reviennent plus à chaque instant fouiller les ruines et les cachettes de Cholet. L'événement dut se produire vers fin mars 1794 à l'une des venues des troupes républicaines au milieu de notre ville en ruines, vraisemblablement le 26 mars 1794.

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« Le 3 mars (1794), on mit le feu à l'église Saint-Pierre. Mais le bon Dieu punit celui qui l'y mit, car il ne put en sortir et brûla dans l'église. La maison de mon père, qui était en face, fut incendiée en même temps.

« Ma tante Coudrais, qui demeurait au Coin et où était mon frère Eugène, vint me chercher et me dit qu'il fallait partir au plus vite parce qu'on lui avait dit que tout Cholet allait brûler. Elle nous fît faire un petit paquet de nos quelques hardes. Elle aussi ramassait ce qu'elle croyait le plus utile pour en faire un ballot et le mettre dans les ambulances qui allaient à Nantes, C'est de ce côté qu'elle pensait nous emmener avec ses enfants, car nous ne savions où aller sans pain et sans asile. Nous étions en guenilles ; j'avais une vieille coiffe de laine jaunie, les pieds dans des sabots attachés avec des cordes. Nous partîmes donc avec ma tante Coudrais qui avait avec elle ses deux enfants, deux autres neveux du côté de son mari, mon frère et moi.

« Dès en partant, nous vîmes fusiller deux hommes et,l'abbé Guitton, vicaire de Saint-Pierre. On les avait mis sur le bord de la rivière et les soldats placés sur le parapet du château s'exer-çaient à tirer sur eux.

« Ma tante Coudrais avait décidé de se diriger sur Mortagne, parce qu'elle espérait nous laisser, moi et mon frère, chez ma soeur Cherbonnier et où était déjà réfugiée ma sœur Cécile.

« Nous étions à peine rendus à la Haie (1), que nous vîmes tout Cholet en feu. Les habitants arrivaient criant et pleurant, à peine vêtus, traînant les enfants, soutenant les vieillards, sans pain, sans asile, quelques guenilles sous le bras, sans savoir où aller se réfugier. C'était le mercredi des Cendres.

« Ce fut ce jour-là que ma grand'mère fut massacrée au Pont-Joly, au moment où elle se rendait à l'hôpital (2) pour s'y réfugier. Une de ses sœurs fut tuée au près d'elle et une autre, ma tante Madeleine, fut massacrée dans sa maison même, au moment où elle se préparait à partir.

 

(1) Le plateau de la Haie, entre les routes de Mortagne et du Puy-Saint-Bonnet, domine l'usine à gaz.

(2) L'hôpital était situé rue des Vieux-Greniers. Il ouvrait à peu près en face de l'ancienne tour existant encore. Les blessés étaient soignés également au couvent des Cordelières qui, après la Révolution, devint l'hôpital de Cholet. Le Pont Joly était l'endroit où le ruisseau de Pineau passait dans la rue Salbérie, en arrivant à la Promenade. C'était un ravin où il y avait un pont

rustique pour les piétons. Les charettes passaient dans l'eau.

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 « A l'hôpital, les malades furent abandonnés et moururent faute de soins (l).

« On avait fait des monceaux de paille et de bois, dans les prin-cipales maisons, et bientôt toute la ville offrit le spectacle épouvantable d'un vaste bûcher.

« C'était la quatrième fois qu'on y mettait le feu. Pendant quelque temps, la ville détruite ressembla à un désert. Il n'y avait pour habitants que des soldats affamés qui cherchaient sous les ruines les choses précieuses qui avaient échappé à l'incendie. Les loups y arrivaient la nuit pour dévorer les cadavres mal enterrés des malheureuses victimes.

 

« Nous continuions péniblement notre route vers Mortagne, en tremblant, quand nous voyions les bleus. Nous nous croyions perdues quand ils nous criaient : « Rendez-vous, brigandes, ou la mort ! » Alors il fallait crier :

« Vive la République ! A bas les aristocrates ! A mort le roi !» A la moindre hésitation, les soldats fusillaient à bout portant et transperçaient les petits enfants de leurs baïonnettes. Plus de cinquante personnes furent victimes de leur fureur, de Cholet à Mortagne.

« Il fallait se cacher dans les broussailles et les ajoncs, en perdant ses sabots, en déchirant ses vêtements, dans des chemins détrempés d'où on ne pouvait plus sortir.

« Arrivés près du château de la Tremblaie, nous vîmes fusiller un prêtre, que les soldats avaient trouvé dans le creux d'un arbre. Ils se partageaient les débris des vases sacrés que le malheureux avait voulu cacher. »

 

 (1) Une enquête fut faite à l'époque sur l'abandon des malades dans l'hôpital de Cholet, dont les rapports sont aux Archives départementales de la Loire-Inférieure.

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A MORTAGNE.

« Enfin, nous arrivâmes à Mortagne à la nuit, espérant coucher chez ma sœur, car nous devions y avoir des laisser-passer pour nous diriger ensuite vers Nantes. Mon beau-frère Cherbonnier était requis par l'armée pour réparer les fusils. Il y avait toujours Un factionnaire à sa porte pour l'obliger à travailler et le surveil-ler.

« Mais en arrivant, nous eûmes la déception d'apprendre qu'ils (sic) avaient émigré. Mon beau-frère avait été dénoncé comme royaliste et ne dut son salut qu'à un hasard providentiel. Sa femme avait dû prendre la fuite, emmenant deux jeunes enfants, François et René, qui étaient de la même année 1789, l'un du mois de janvier, l'autre du mois de décembre. Mon pauvre frère était resté caché dans son grenier sous des bottes de paille. Les soldats furetaient partout pour le découvrir et, désespéré, il allait se livrer, quand un chat qui était à côté de lui s'élança dans une chambre voisine, fit sonner par hasard le timbre d'une pendule. Entendant ce bruit, ses ennemis abandonnèrent le grenier où il n'avait plus que l'espoir de se livrer à ses bourreaux. Ils courrait vers cette pièce, voient une fenêtre ouverte et s'élancent pour le poursuivre, croyant qu'il s'était évadé par cette issue.

« Mon beau-frère, plus mort que vif, sortit le soir de sa cachette. A l'aide de déguisements et par des chemins détournés, il se rendit à Nantes où sa femme l'attendait avec une grande inquiétude.

« A Mortagne, comme à Cholet, l'incendie fumait encore. Tout était à feu et à sang, car c'était le général Huché, le plus féroce de tous, qui y faisait tout massacrer. Nous étions sur la place de l'Eglise, témoins de la plus horrible barbarie des soldats. Le Général faisait larder deux prisonniers vendéens, après les avoir assaillis à coups de sabre. Les bourreaux eux-mêmes se refusaient d'obéir à infliger cet affreux supplice, tant les deux victimes souffraient et criaient en se débattant contre la mort, demandant en grâce de les achever à coups de pistolet. « Gardez-vous en ! » ordonnait le général, « enfoncez vos sabres plus avant ; vous ne savez pas votre métier. »

« Nous allâmes chercher un refuge dans une ferme, afin d'y passer la nuit. Mais nous en sortîmes aussitôt, remplis d'effroi ; nous y vîmes couper par petits morceaux un paysan et son fils, parce qu'on avait trouvé le curé de la ville caché chez eux et à qui on avait coupé les deux jambes aux genoux. Le malheureux se débattait encore dans les dernières convulsions de l'agonie.

« Nous nous cachâmes dans un champ de genêts où nous eûmes bien froid toute la nuit ; une neige fine et serrée blanchissait les chemins. Ma tante Coudrais nous fit partir de Mortagne de grand matin, car l'ordre était venu, comme à Cholet, d'évacuer la ville. »

 

A MONTAIGU.

 

« Nous arrivâmes à la nuit à Montaigu. Là aussi, tout était brûlé, la ville déserte de ses habitants, et les soldats excités par le général Huché qui, partout où il passait, signalait sa présence par des actes de la plus indigne des cruautés. Il y avait fait amener huit cents Vendéens qu'il avait fait égorger. Ayant reconnu le curé, il lui fit couper la langue et les oreilles, et arracher les yeux avant de l'achever. Il fit suspendre plusieurs malheureux par le menton à des crochets de fer, parce qu'ils n'avaient pas crié assez vite ; « Vive la République I », et qu'on avait découvert des cocardes blanches sous leurs vêtements. On les fit brûler dans cette position.

« Ces cruautés n'avaient plus de bornes. Nous en étions les spec-tateurs tremblants. Il fallait les regarder sans avoir l'air de s'en apercevoir, car si nous avions eu le malheur de crier et d'avoir peur, dix soldats étaient prêts à nous faire subir le même supplice.

« Ma tante Coudrais nous fit entrer dans une maison qui n'avait que les ouvertures, sans porte ni fenêtre. Elle nous fit un grand feu dans le milieu de la place pour nous réchauffer et nous faire cuire quelques pommes de terre pour manger avec le peu de pain qui nous restait et sans savoir si nous en aurions pour le lendemain.

« En ce moment arriva ma sœur Cécile qui avait le petit Cherbon-nier François, l'aîné des enfants de ma sœur (1). Ils avaient perdu la mère et c'était à qui pleurerait le plus fort. Ma sœur avait quatorze ans et le petit garçon quatre ans. Ma tante les fit manger et les consola de son mieux. Puis nous nous endormîmes, la tête sur notre petit baluchon, tout habillé de peur d'être surpris.

« Avant l'aube du jour, ma tante nous réveilla et nous fit faire notre prière. Nous partîmes à la garde du bon Dieu. En sortant de la ville, on avait fait une barricade des corps des victimes, pour empêcher les émigrés de fuir et les ambulances de passer. C'est par des détours, dans les genêts, derrière les haies et toujours en crainte d'être surpris, que nous quittâmes cette ville. »

 

VERS CLISSON ET NANTES.

« Ma tante nous fît prendre le devant, en nous disant qu'elle allait nous chercher de la place dans les ambulances ; c'étaient les charrettes qui emmenaient les vieillards, les enfants et les malades, à la suite des émigrés.

Puis elle nous dit qu'elle nous retrouverait à Nantes, sur la place du Bouffay. Mais nous ne devions plus la revoir, car on vint la prévenir, par ordre de M. Lecoq, un de ses amis, qu'elle était dénoncée et qu'elle serait arrêtée en arrivant à Nantes (2). Elle fut alors obligée de se déguiser, d'éviter cette ville et de suivre une bande de réfugiés qui se dirigeaient sur Varades.

 

(1) François Cherbonnier, né à Mortagne le 10 janvier 1789, parti militaire en 1808, fit comme sous-officier les campagnes d'Autriche et d'Allemagne et comme sous-lieutenant celle de Russie, fut blessé à la bataille de la Moskowa (5 septembre 1812).

Les papiers de notre regretté ami Léon Bonnineau conservent de nombreuses lettres écrites pendant ce temps à sa mère. Sa dernière lettre est du 17 septembre. Il mourut quelques jours après.

 (2) Interrogatoire des détenus dans les prisons nationales d'Angers, folio 64 et suiv. : Cécile Coudray, 14 ans, de Cholet, fille de défunt Louis Coudrais et de Mathurine Auvinet, est restée à Varades, où elle a été arrêtée, a passé par les conseils de Amaury (Gelusseau) et ses filles ; sa mère, une scélérate. -

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 « Nous nous dirigions donc tout doucement sur Clisson, regardant toujours derrière nous, espérant voir arriver notre tante, ou les charrettes qu'elle nous avait dit qui nous rejoindraient (sic).

« Nous étions six pauvres enfants. Ma sœur Cécile, la plus grande, avait le petit Cherbonnier sur le dos ; moi et mon frère Eugène et les deux enfants de ma tante Coudrais. Nous n'avions pas de pain ; nous en demandions dans les fermes ou les bourgs où nous passions.

Mais on nous ouvrait à peine les portes, tant on était en crainte de se voir arrêter.

« Nous étions tous exténués de fatigue et mourant de faim. Nous allions infailliblement périr lorsque, près d'arriver à Clisson, nous vîmes des cadavres de soldats dans un fossé. Ma sœur Cécile nous fit cacher et s'approcha pour voir s'ils étaient bien morts ou seulement endormis, et leur vit des pains de munition attachés à leurs sacs. Craignant d'être surprise ou vue, ce fut moi et Eugène qu'elle envoya pour les leur chercher, car nous mourrions de faim et le petit François criait sans cesse pour en demander. Mon frère Eugène rampait dans le fossé pour arriver tout doucement à ces malheureux soldats, que nous croyions endormis, et pour leur dérober ce pain noir qui nous faisait tant envie. II voulut

aussi prendre une gourde qui pendait au cou d'un de ces cadavres et, ne pouvant y réussir, nous le vîmes couper la corde avec ses dents.

« Avec quelles précautions il revint rapporter le fruit de son larcin à ma sœur Cécile. Quel triste mais copieux déjeuner nous fîmes ! Avec quel appétit nous dévorions ce pain noir que la Providence nous envoyait et qui devait nous sauver la vie. Ma sœur, après nous avoir fait nos parts, nous fit ramasser soigneusement les restes.

 

« Puis, remettant le petit Cherbonnier sur son dos, nous nous remîmes en route jusqu'à Clisson où la terreur régnait comme partout et où l'on voyait les flammes et des tourbillons de fumée, dont l'odeur sinistre nous remplissait de frayeur.

 

« Nous venions de nous arrêter pour nous reposer en sortant de cette ville. La terre était glacée et couverte de frimas ; c'était au commencement de mars (1794). Tout à coup nous entendîmes des coups de fusil et nous fûmes arrêtés par une troupe de chouans qui voulurent nous tuer, parce que nous devions, disaient-ils, les dénoncer.

Ils nous firent mettre à genoux au milieu d'un carrefour, en disant de faire notre prière, parce qu'ils allaient nous fusiller. Nous jetions des cris lamentables en demandait grâce. Mais ces forcenés n'écoutaient ni prières ni supplications et allaient mettre leur projet à exécution quand ils entendirent et virent arriver des cavaliers. Ils se mirent aussitôt en fuite nous laissant plus morts que vifs, sans savoir si ceux qui arrivaient n'allaient pas nous achever. Mais non, c'étaient des émigrés suivis des ambulances qui se dirigeaient sur Nantes. On nous y fit

monter et nous arrivâmes dans cette ville à la nuit. »

 

A NANTES,

« Ma sœur Cécile resta à Saint-Jacques, cherchant ma sœur Cherbonnier qui devait l'y attendre avec son plus jeune enfant, nommé René, qu'elle allaitait encore. Nous nous rendîmes, moi, mon frère et les enfants Coudrais, sur la place du Bouffai, pensant y retrouver ma tante Coudrais. Mais nous attendîmes en vain. Nous étions seuls sur cette place ; il faisait noir ; une petite pluie fine et froide nous glaçait jusqu'à la'moelle des os. Nous pleurions à chaudes larmes et nous nous serrions les uns à côté des autres, tout tremblants et découragés.

« Les passants s'approchaient de nous et nous interrogeaient. Lorsque nous leur disions que nous étions de Cholet, ils voulaient nous jeter dans la Loire que nous étions déjà si effrayés de voir couler si près de nous.

Mais le bon Dieu permit que deux de ces gens qui nous regardaient se dirent :

« Ces enfants me font de la peine ! Nous aurions bien pitié d'un chien. Emmenons ces enfants, car ils vont périr cette nuit si nous ne les recueillons pas. »

« Que veux-tu que nous fassions de ces marmots-lâ, répondit l'autre. »

« Partageons, je n'ai pas de garçon, je vais emmener le petit. » — « Moi qui n'ai que des garçons. Je me chargerai de la petite fille et nous les remettrons à leur famille quand nous saurons leur adresse. »

« Mon frère Eugène et moi, en entendant ces paroles, nous nous mîmes à crier plus fort. Nous ne voulions pas nous séparer et nous pleurions tant que ces gens, émus, nous promirent que nous nous reverrions souvent. Les enfants Coudrais furent aussi recueillis par des passants qui les menèrent au Sanitat, hospice où l'on recueillait les enfants, et nous ne les revîmes plus après, à Nantes (1).

« Enfin, après avoir embrassé mon frère, je suivis mon protecteur, qui était armurier, nommé Ganachaud. Il demeurait sur la fosse et était commissaire de quartier (2), On me mit à coucher dans une mansarde avec la domestique, une méchante républicaine. Le soir, je voulus faire ma prière ; elle me dit qu'elle allait me jeter par la fenêtre. Elle ne m'appelait que la « petite brigande », la « petite chouanne » et menaçait de m'étrangler à chaque instant. De mon lit, j'entendais des cris épouvantables : c'était des « brigands » de la Vendée qu'on noyait dans la Loire.

« Un soir, cette femme méchante me tira du lit pour me faire mettre à la fenêtre. On embarquait une troupe de prisonniers qu'on entassait sur une barque qui devait les engloutir. On trouvait cela plus prompt que la guillotine. Elle (la servante) me disait : « Voilà, petite chouanne, le sort qui t'est réservé. Je te mènerai demain voir Carrier. »

« Quand je me rappelle ces cris navrants, le frisson me prend encore. Jamais ces tristes souvenirs ne s'effaceront de ma mémoire.

 

(1) Louise Barbier ajoute ici en marge : « Ce n'est que plus de soixante-dix ans plus tard que ces quatre orphelins de la guerre, ces quatre enfants que la Providence avait si visiblement protégés, purent s'embrasser et se rappeler leurs malheurs. Ce fut la dernière fois que mon frère Eugène vint à Cholet. le

20 septembre 1865. »

(2) « La maison existe toujours ; un des descendants y est armurier, le nom est sur renseigne. » (Note de Louise Barbier.)

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« J'obtins la permission d'aller voir mon frère qui avait été emmené par un nommé Navier, qui était entrepreneur de bâtisses et demeurait sur les boulevards. II l'occupait à rouler les brouettes et à servir les maçons dans les constructions qu'il conduisait. On l'apprit (sic) à servir à table ; il mangeait du pain, ce que tout le monde ne pouvait pas faire, car on se mettait en file chez les boulangers pour en avoir. Nous mangions plutôt du riz ou des pommes de terre. Comme mon frère servait à la cuisine, il n'était pas malheureux. Je lui ai entendu raconter l'anecdote suivante : Un jour, on lui avait dit d'aller à la cave chercher du vin. Il s'en revint avec les lèvres barbouillées de noir. On avait voulu l'éprouver en en mettant à la bouteille. La chose fut prise en riant, mais il se garda bien de recommencer.

« J'étais obligée de passer sur la place du Bouffai pour aller voir mon frère. J'étais souvent arrêtée par la foule, qui était à voir guillotiner des malheureux souvent innocents. Ils avaient de grandes chemises rouges. Beaucoup étaient traînés sans connais-sance. On m'interrogea plusieurs fois, mais je faisais voir un permis de mon maître qui était chef de district et on me laissait partir.

« Je fus trois ans (1) à Nantes. Je fis ma première communion au Sanitat, sous un prêtre assermenté, avec mon cousin Blain (2) qui avait été placé aussi lui en arrivant à Nantes dans cet hôpital. J'allais apprendre à lire chez des religieuses chassées de leur couvent. Dans des maisons de gens dévoués à la bonne cause, elles instruisaient les pauvres enfants abandonnés. »

 

(1) Trois ans... non, mais 1794 à partir de mars, 1795 et peut-être les deux premiers mois de 1790.

(2) « Auguste Blain, fils de Jean Blain, calendreur, et de défunte Louise Martineau, de cette paroisse, ledit enfant âgé d'environ dix ans, emmené à Nantes. » (Registre de M. Boisnaud.)

E. M. Chorin note à la suite : « Ce Blain m'a raconté avoir passé la nuit de la bataille de Cholet dans la chapelle du château du Pontreau, puis en se rendant à Nantes, avoir couché dans les ruines du château de TifTaugcs. »

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TRÊVE ET PACIFICATION.

« Cependant Cholet était toujours le centre de la guerre. Pendant un an, elle fut déserte d'habitants (autres) que des soldats, tantôt des chouans, tantôt des républicains (1). Il n'y avait pas de vivres. La caserne était aux Cordeliers (l'Hôpital), la seule maison qui n'avait pas été brûlée.

« Enfin, on parlait de la paix qu'on allait signer. »

Elle fut conclue effectivement le 17 février 1795 au château de la Jaunaye, près Nantes, entre les députés de la Convention et Charette et ses officiers. Le 31 mars, à sept heures du soir, les troupes républicaines, conduites par Canchaux et le représentant Dornier, arrivèrent à Cholet. Savary prit le commandement de la place.

« Le 11 avril 1795, on fit un banquet pour la conciliation. Ce fut le 2 mai que fut affichée la paix (conclue cette fois à Saint-Florent avec Stofflet), signée de Dornier, Ruelle, Bollet, Jarry et Chaillon, tous citoyens républicains. On mit tous les prison-niers du château en liberté.

« Peu à peu, les réfugiés arrivaient à Cholet par petites troupes, par famille. Rien n'était triste comme ce retour de l'exil, de voir chacun vêtu de guenilles, (portant) des paquets attachés sur le dos ou sur un pauvre cheval qui portait aussi les enfants ou les vieillards. En arrivant, on retrouvait à la place de sa maison une masure vide. Pas d'argent, ni fruits, ni légumes ; pas de pain, pas de travail.

 

(1) La ville de Cholet ne resta véritablement déserte que pendant les mois de mars et d'avril 1794. Dès le mois de mai, certains habitants qui s'étaient cachés dans les environs, vinrent reprendre possession des ruines. La ville et le pays furent alors administrés, en dehors de toute la France, au nom du petit roi Louis XVII, jusqu'à la rentrée des troupes à Cholet.

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« J'avais douze à treize ans quand je.revins à Cholet, en compagnie d'une de mes sœurs qui avait six ans de plus que moi et se nommait Rosalie. Elle avait suivie l'armée de la Loire avec M. Lambert, un de nos parents éloignés. C'était un des gros fabricants de toiles de Cholet, qui avait émigré jusqu'à Laval. C'était en hiver. Je fis la route à pied en troisjours* en leur compagnie et avec d'autres émigrés qui rentraient au pays.

« La maison de mon père était brûlée. Ma belle-mère était remariée avec un nommé Bibard. Ma grand'mère, Marie Moreau, qui demeurait au Puy-Gourdon, avait été tuée par les républicains au Pont-Joly. Mon oncle Blain (1) (son gendre) s'était emparé de son petit avoir pour aider à nous élever. Il avait vendu la maison. Il n'avait pas quitté le pays. Il nous dit qu'il s'était occupé de nos affaires et n'en avait presque rien retiré. Nous avons toujours pensé qu'il en avait été le meilleur héritier. Ce qu'il y a de sûr, c'est que nous n'avions plus rien.

« Je fus recueillie par une de mes sœurs aînées qui s'était mariée avec un nommé Airaut et qui n'avait pas d'enfant (2). Elle demeurait sur la place Saint-Pierre et s'était cachée dans les environs de Cholet pendant la tourmente révolutionnaire. Mes sœurs Jeanne et Rosalie se joignirent à nous ; cette dernière mourut dans l'année.

Je refis une seconde fois ma première communion ; celle que j'avais faite à Nantes par le prêtre assermenté, fut dite mauvaise. C'était le curé Boisnaud (sic) qui nous faisait le catéchisme. Je me souviens qu'il me demanda un jour si j'étais aussi démocrate que ma sœur Cherbonnier et qu'il me dit de ne plus revenir à la messe sans capot.

 

(1) Après le décès de Louis Barbier, Marie Moreau s'était remariée en mai 1754, à l'âge de 37 ans, avec Louis Martineau, âgé de 26 ans, dont elle avait une fille, Louise-Françoise. Cette dernière épousa Jean Blain, le 20 mai 1774, et eut cinq enfants dont le dernier, Alexis Blain, cité plus haut.

(2) Pierre Aireau, cordonnier et sacristain, avait environ 23 ans quand il passa la Loire. Il revint à Cholet et habitait la maison touchant l'église Saint-Pierre. Il avait les pieds tournés. Sa démarche difficile l'avait fait surnommé « le travoueil du purgatouère ». Il épousa Marie Barbier. (Note de M. J. Ghaillou.)

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«: Nous étions bien tristes et découragés. Nous n'avions pas de pain. J'allais chez un M. Boffet (1) chercher un bon pour aller chez le boulanger. Un jour j'avais trois onces de riz et le lendemain douze onces de pain qu'il nous fallait cacher, car souvent les soldats nous l'arrachaient. On ne trouvait aucune chose à acheter. Il n'y avait que le père dés messieurs R..., qui allait toutes les semaines à Saumur et à Angers. Il rapportait de l'épicerie et de la mercerie sur son dos, et la revendait au poids de l'or, en arrivant à Gholet (2).

« Cependant, nous n'étions pas encore rassurés ; chacun était dans la crainte ; on parlait encore de guerre.

Stofflet arrivait de temps en temps pour soulever les paysans ; mais ces malheureux battus, ruinés, sans asile, n'avaient plus ni énergie, ni courage.

« Peu de temps après, on apprit que Stofflet avait été fusillé à Angers (3). Dans la même semaine (4) on fit passer Charette prisonnier à travers Cholet. Conduit par le général Travot, le jour du vendredi saint 1796, (il vint) au milieu de rues désertes, d'un silence de mort, car personne n'osait sortir de chez soi.

« De ce moment on eut davantage d'espoir de paix ; la population fut plus rassurée.

 

(1) M, Roffay avait été nommé président de l'Administration cantonale de Cholet. Il exerça pendant un an dans notre ville des fonctions analogues à celles de maire.

(2) Le même fait est signalé dans l'Histoire de Cholet de M. A. Gelusseau (t. II, p. 335) : « Le dénûment était si grand, que nous savons un habitaru jeune, intelligent et courageux qui, ruiné par la guerre, a gagne le noyau d'une fortune considérable à aller chercher à Saumur et à Angers des épiées et de la mégisserie qu'il rapportait sur son échine et qu'il vendait à bons deniers comptant ; chaque semaine, un de ces pèlerinages lui rapportait jusqu'à quinze et trente écus de gain. Quand sa bourse sera pleine, il achètera des mouchoirs de Cholet qu'il vendra sur les marchés de la ville métropolitaine du dépar-tement. De colporteur il se fera artisan, puis fabricant ; bientôt il sera manufacturier

(3) Le 25 février 1796.

(4) « Dans la même semaine » non, dans le mois suivant. Charette traversa Cholet le 24 mars. Il, fut fusillé à-Nantes, sur la place Viarmes, le 29 mars 1796.

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Quelques négociants organisèrent des métiers (1) ; chacun travail-lait pour se faire quelques aunes de toile pour se couvrir, mais nous ne voyions guère d'argent ; chacun payait en assignats.

Cholet était bien pauvre.

« Les choses allèrent ainsi jusqu'en 1800, où reprirent les affaires sous le Premier Consul Napoléon, qu'on accueillit avec joie. Les églises furent rouvertes, les prêtres revinrent avec sécurité.

« C'est à Montfaucon que fut signée tout à fait la paix de la Vendée, le 28 janvier 1800. »

 

(1) Onze négociants réunis en Société empruntèrent au gouver-nement, le 21 messidor an IV, une somme de six millions de mandats territoriaux, qui permirent à l'industrie choletaise de renaître de ses cendres.

 

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Louise Barbier vécut donc avec ses soeurs pendant quelques années ; elle était couturière. Lorsqu'elle parvint à l’âge de dix-neuf ans, son cousin Maillet lui proposa un jeune homme, orphelin comme elle, Alexandre Champeaux.

Il était né en 1776, à Tours, et s'était enrôlé en 1790 dans les armées de la République. Pris par les Anglais, il resta trois ans prisonnier sur leurs pontons. Avec une dizaine de compagnons, il tenta de s'évader et parvint avec deux seulement à se faire recueillir par un navire qui les débarqua à La Rochelle. Pour regagner sa ville natale, il passa par Cholet. Il se trouvait à l'Hôtel de la Croix Blanche, tenu par M. Viaud, à l'emplacement de l'Hôtel actuel du « Boeuf couronné », place Saint-Pierre, lorsqu'il apprit que le perruquier d'en face était grièvement malade, et que sa femme ne pouvait trouver personne pour lui faire sa besogne. Champeaux, qui avait fait bien des métiers, s'offrit à lui venir en aide et s'en acquitta très bien. Le mari mourut ; Champeaux continua à conduire la boutique que la veuve lui céda.

 

Louise Barbier, qui travaillait dans le voisinage plut au jeune Figaro. A la proposition du cousin Maillet, elle fit quelques difficultés... Le prétendu était borgne. Mais, elle-même était presque sans famille, chez des frères et sœurs trop heureux de s'en débarrasser. Elle l'épousa à la fin de 1802 (8 nivôse, an XI). Il ne semble donc pas que ce fut là un mariage d'amour ; mais, les affaires allant bien, le petit dieu eut, sans doute le loisir de s'insinuer, car Champeaux vécut jusqu'en 1834, et le ménage réinstallé dans la maison paternelle eut huit enfants.

Parmi les autres personnages qui figurent dans le récit, certains succombèrent aux coups de la grande tourmente ; ceux qui échap-pèrent eurent dans la monotonie d'une existence ordinaire un sort analogue à celui de notre mémorialiste.

Nous avons vu la grand' mère, Louise Moreau, massacrée au Pont-Joly, avec deux de ses sœurs, par les soldats républicains, le 26 mars 1794.

Le père, Louis Barbier, et la mère, Renée Auvinet, étaient morts avant les jours difficiles. La tante Brion, du May, Marie Auvinet (1762-1822), qui s'était mariée à quinze ans et qui, au dire de M. Joseph Chaillou, avait le jour de ses noces abandonné la table du banquet pour aller jouer à la poupée, veuve à trente-et-un ans, revint habiter Cholet avec cinq de ses enfants ; trois étaient morts de misère et de faim. C'était une femme charitable et dévouée ; elle exerçait modestement le métier de dévidcuse et habitait dans la grande-rue, c'est-à-dire dans la rue Nationale. Elle mourut en 1822, demeurée attachée à la Petite Eglise.

Sa sœur, Mathurine Auvinet, la tante Coudrais (1754-1820), revint également à Cholet et habitait au Coin. « Femme héroïque », au dire de M. J. Chaillou, « elle a souffert toutes les peines et les misères de la Vendée. » Elle mourut en 1822, également dissidente.

La belle-mère de nos héroïnes, Marie Bréault, après avoir vu embrocher sa petite fille, avait réussi à se cacher. Elle se remaria très rapidement à un nommé Bibard.

Une demi-tante, Louise Martineau, fille de Louise Moreau, la grand' mère remariée, avait épousé Jean Blain, qui se fit l'homme d'affaire et peut-être le profiteur des biens des orphelins.

Parmi ceux-ci, l'aînée, Renée Barbier, née en 1768, était mariée à François Cherbonnier. Le ménage abandonna Mortagne et s'installa à Nantes, où Cherbonnier exerçait la profession d'armurier. Leur fils aîné, François, le bambin de quatre ans, qui apparaît dans le récit au moment de l'émigration vers Nantes, s'enrôla en 1808, devint sous-lieutenant et mourut à Moscou en 1812.

Le plus jeune, René, continua la descendance . François Cherbonnier, le père, mourut à Nantes, en 1806, et Renée Barbier, en 1826.

Nous avons vu la seconde fille, Marie Barbier, née en 1769, épousé à son retour de Nantes, le sacristain Pierre Airaut.

Elle mourut sans enfant, en 1810. La troisième, Modeste, née en 1771, fut fusillée en 1794, sur la place Saint-Pierre.

Louis Barbier, l'aîné des fils, né en 1772, fut enrôlé dans les armées de la République, où il fit onze ans de service.

En garnison à Rouen, son attention fut attirée par le tic-tac d'un métier de tisserand. L'artisan était originaire des Gardes et réfugié dans la capitale normande. Il s'appelait François Dénécheau. Connaissance fut vite faite entre compatriotes. Le tisserand avait une fille, Marie, âgée de 17 ou 18 ans. Louis Barbier l'épousa et revint travailler à Nantes, chez son frère Eugène, installé fabricant de toiles coton, rue Saint-Similien. Louis Barbier eut sept enfants et mourut; en 1862,

Pierre Barbier, né en 1773, enrôlé militaire, fut tué, nous le savons, en Bohême.

Jeanne Barbier, née en 1775, s'était réfugiée, après la tourmente, chez sa sœur et son beau-frère Airaut. Elle se maria avec un Pierre Brion, tailleur à Coron, et mourut en 1815. Rosalie, née en 1776, réfugiée également avec ses sœurs, chez Pierre Airaut, mourut dès 1796.

Victoire Barbier, née en 1777, accompagna, ainsi que nous l'avons vu, sa tante Brion dans la tournée d'outre-Loire.

Elle la perdit entre Le Mans et Saumur et se réfugia dans cette dernière ville, où elle se maria avec un nommé Béliard, qui mourut l'année suivante. Son frère vint à passer à Saumur ; elle le suivit et se retira à Nantes chez sa sœur Cherbonnier. Au bout de quelques années, elle se maria à un certain M. Bru, qui de même que l'aîné des fils Barbier, Louis, trouva du travail, chez le plus jeune Eugène. Elle mourut en 1848.

Eugène Barbier, né en 1784, s'installa donc à Nantes, fabricant de toiles coton. Ses affaires prospérèrent. Il se maria deux fois et mourut en 1867.

D'Alexis, né en 1782, et de Joseph, né en 1786, nous ne connais-sons rien.

Quant à Cécile, née en 1780, que nous avons laissée, dans le récit, à l'entrée de Nantes, recherchant sa sœur Cherbonnier, elle fut arrêtée parce qu'elle venait de Cholet et fut sur le point d'aller en prison. Réclamée par un négociant de notre ville, M. Leroy, dont la famille l'emmena à Versailles, où elle s'instal-lait, Cécile Barbier fut leur servante pendant quelques années, puis se plaça comme cuisinière à l'Hôtel du Grand Cerf et épousa, en 1810, un M.Vassard, qui, bientôt, s'établit grainetier. Vassard mourut en 1815, laissant trois enfants. Cécile Barbier se remaria en 1819, avec un certain M. Loudier, qui mourut en 1845.

Elle resta à Versailles jusqu'en 1870 et se réfugia à Paris, chez ses enfants.

Madame Loudier vécut jusqu'à l'âge de 101 ans et mourut le 10 janvier 1882. Elle n'avait, paraît-il, aucune des infirmités de son âge, et conserva presque jusqu'à la fin, l'usage de ses facul-tés. Chaque fois qu'elle revoyait sa famille, elle s'infor-mait avec grand intérêt de ses amis de jeunesse et de ses compa-gnons d'infortune, s'étonnant beaucoup lorsqu'on lui disait qu'ils avaient disparu depuis longtemps. Sa sœur Louise, l'auteur de notre récit, mourut le 30 novembre 1871, à l'age respectabie de 89 ans. Lorsqu'on lui annonça ce décès. 

Cécile répondit : « Ce n'est pas étonnant ! Cette pauvre Louise ! ... Elle était si peu forte. »

 

Charles ARNAULT

Conservateur du Musée de Cholet

 

Annexes

 (1) Charles-Louis-Jean-Vincent de Beauvau, marquis, naquit en 1744. Avant la Révolution, il se rendit tristement célèbre par les scandales d'une jeunesse orageuse dont les multiples épisodes ont fourni à M. de Miramon-Fargues la matière d'un récit historique plus captivant qu'un roman : L'Héritage des Beauvau-Tigny. (Paris, Plon-Nourrit, 1907).

Enfermé, comme bigame, au Mont-Saint-Michel, Vincent de Beauvau parvint à s'évader, fut repris, interné à Vincennes, puis à la Bastille, où il demeura six ans : puis, il fut relégué dans ses terres de la Treille, près Cholet, où l'interdiction dont il était frappé ne fut levée qu'à la veille de la Révolution.

Rien d'étonnant à ce qu'il se montrât partisan enthousiaste du nouvel ordre des choses. Il prit la tête du mouvement révolutionnaire dans notre pays, et fut nommé procureur-syndic du District de Cholet, en 1790.

Un de ses descendants, M. A. de Launet, a publié, en 1935, dans le Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Beaux-Arts de Cholet, une attrayante élude sur le Marquis révolutionnaire, tendant à expliquer sa conduite par les déboires de sa vie privée.

Les Mémoires de Louise Barbier portent la trace des légendes effrayantes qui avaient cours, sur son compte, dans les conversations populaires.

 

(2) Marin-Jacques Boutillïer de Saint-André, naquit à Mortagne, le 1" septembre 1746, sénéchal de la baronnie de Mortagne, le 18 mars 1772. Il avait épousé, le 17 juillet 1780, sa cousine germaine, Marie-Renée Boutillier de la Chèze, dont il eut quatre enfants, deux fils et deux filles.

Il fut élu maire de Mortagne en 1790 et, bientôt après, président du tribunal du district de Cholet.

Il avait salué, avec enthousiasme, le mouvement de réformes de 1789, mais ses idées étaient sages et libérales. La violence l'ayant emporte sur la modération, il devint « suspect ». Mis en évidence par un acte de générosité courageuse, la défense de la garnison républicaine de Mortagne injustement accusée, et

arrêté, il subit un simulacre de jugement et fut condamné à mort.

 

Il fut guillotiné sur la place du Bouffay, à Nantes, le 11 avril 1794.

Son fils, Marin-Jacques-Narcisse Boutillier de Saint-André, né à Mortagne, le 23 avril 1781, est l'auteur du récit que nous avons rapporté plus haut.

 

(3) Jean-Julien-Michel Savary, né à Vitré (Ille-et-Vilaine), le 13 novembre 1753, était fils d'un marchand-fabricant, mort vingt ans avant la Révolution. Reçu avocat au Parlement de Paris en Juillet 1870,11 avait exercé cette profession à Rennes et à Nantes.

M. Baguenier-Désormeaux dit qu'il vint, avant la Révolution, comme précepteur dans un château des environs des Herbiers, où il connut d'Elbée et fut mêlé à divers affaires d'intérêt du futur généralissime Vendéen.

Il se trouvait à Cholet, en 1790, et fut nommé Juge au Tribunal du District tandis que M. Boutillier de Saint-André eh était élu président. Il prendra cette présidence à la fin de 1792.

 

Il faisait en même temps partie de la Garde Nationale et avait ouvert un cours public de Mathématiques, pour l'instruction des jeunes gens qui se destinaient à la Marine et à l'Artillerie. La Société Populaire des Amis de la Constitution, puis des Amis de la Liberté et de l'Egalité, en correspondance avec le Club des Jacobins, avait été fondée par lui.

Prisonnier des Vendéens insurgés le 14 mars 1793, il parvint à s'évader un mois après et à rejoindre, à Vezins, la colonne de Leygonnier. Il se réfugia à Saumur. Le Conseil général du département, dont il était membre, le nomma commissaire civil près de l'armée opérant contre l'insurrection. Canclaux, Kléber, Vimeux et Beaupuy utilisèrent ses connaissances de la topographie

et de la mentalité du pays, son amour du travail, et sa grande probité de conscience et en firent un excellent chef d'Etat-Major.

Il fut nommé adjudant général chef de brigade, le 6 novembre 1793.

 

Député de Maine-et-Loire au Conseil des Cinq-Cents, le 15 octobre 1795, au Conseil des Anciens, le 14 avril 1799, il demeura représentant de Maine-et-Loire jusqu'au coup d'Etat des 18-19 brumaire, an VIII, qu'il n'approuva pas. Nommé sous-inspecteur aux Revues le l*r nivôse, an VIII (le 21 décembre 1799), grâce

à l'appui des généraux Grouchy, Bernadotte et Moreau et aussi du Ministre de la Police, Joseph Fouché, il entra dans la Légion d'honneur le 17 janvier 1805, et passa inspecteur le 30 avril 1812.

il fut décoré du Lis le 1er juillet 1814 et fait Chevalier de Saint-Louis le 27 septembre suivant. Il prit sa retraite en 1815.

Son grand ouvrage est intitulé : Guerre des Vendéens et des Chouans contre la République Française, par un officier supérieur habitant la Vendée avant les troubles. (Paris, Beaudouin 1824-1825, 6 vol. in-8°).

Ce recueil de documents d'origine républicaine, est l'une des sources les plus précieuses d'informations que nous ayions sur l'histoire de l'insurrection vendéenne. On doit cependant regretter, avec M. Baguenier-Désormeaux, •« la façon trop arbitraire, quoique de bonne foi, dont il a souvent tronqué, ou interpolé le texte des documents produits par lui.

Savary mourut en 1839. David d'Angers, son ami, a fait de lui un médaillon.

(4) D'une famille originaire du May, Guy-Jacques Chouteau, naquit à Cholet en 1736, au dire de Célestin Port. Son père était greffier au Grenier à Sel de Cholet et sa mère Anne Le Breton, appartenait à une riche famille de négociants choletais. Guy-Jacques fut reçu docteur-médecin en l'Université d'Angers vers 1766 ou 1767. Il se fixa à Cholet, ou il y épousa Marie-Anne Mes-

nard, fille d'un négociant. Il y acquit bientôt, par sa charité et son dévouement aux pauvres, pue véritable vénération.

Partisan de la Révolution à ses débuts, il fut élu, en 1790, administrateur du District de Cholet, puis, en 1791, député à l'Assemblée Législative. Après le 10 août 1792, il revint à Cholet et reprit sa profession de médecin.

Pendant la guerre de Vendée, il ne s'occupa que du Service Médical,; à l'hôpital militaire de Noirmouliers, en l'an II ; dans les ambulances de l'armée de l'Ouest, en l'an III. Il prit la direction de l'hôpital de Cholet le 27 germinal, an III, puis de nouveau fut envoyé à Noirmouliers le 23 frimaire, an IV et nommé médecin à l'armée de l'Océan, le 10 germinal, an IV.

 

Il rentra ensuite à Cholet et y continua l'exercice de la médecine. Le 7 ventôse, an X, il fut nommé un des administrateurs de l'Hôpital civil de Cholet. Des concitoyens ont gardé de son nom une mémoire reconnaissante.

Il serait mort aux environs de Doué, à une date inconnue.

 

 

(1) Pierre Boisnaud naquit à Château-Pensac, en Limousin, le 28 août 1741. Il fut nommé curé de Saint-Pierre de Cholet en 1778, refusa le serment à la Constitution Civile du Clergé, resta le seul prêtre catholique à Cholet, pendant Y « hiver rouge » de 1793-94 et fut obligé de se cacher.

Il ne quitta pas le pays et desservit les trois paroisses de Saint-Pierre, de Notre-Dame et de Saint-Melaine. A la prise de Cholet par les Vendéens, le 14 mars 1793, il rentra en possession de son église. Après le passage de la Loire (18 octobre 1793), il resta dans le pays et activement secondé par le vicaire de Notre-Dame, l'abbé Huet, continua d'exercer secrètement son ministère. A la pacification, en mai 1795, il essaya de reprendre l'exercice du culte et eut à ce propos un curieux échange de lettres avec l'adjudant-général Savary.

Son église Saint-Pierre avait été totalement brûlée ; il la reconstruisit et en reprit possession vers 1800. Il a laissé au registre de l'Etat-Civil des listes de victimes de la Révolution, très précieuses pour l'histoire de Cholet.

Il mourut le 22 août 1806 et fut enterré dans la chapelle du cimetière de Saint-Pierre.

 

(2) On trouve, à cet endroit du récit de Louise Barbier, trace des légendes qui firent du marquis de Beauveau une sorte de nouveau « Barbe-bleue », jusque dans son châtiment final. Nous ne trouvons aucune preuve, aucun témoignage sérieux des traitements cruels qu'aurait subis le procureur-syndic à ses derniers

moments. Seuls les racontars de M. Thenaisie en font mention.

.M. de Beauveau succomba au pied du calvaire, vers le milieu de la nuit, après de vives souffrances. La femme Bonneau, qui demeurait à quelques pas de là, dans une des petites maisons basses, à l'entrée du cimetière, a rapporté à M. l'abbé Deniau la fin du révolutionnaire choletais. Effrayée par ses cris et par les

coups de feu qui ne cessèrent de retentir durant presque toute la nuit, elle n'osa sortir de sa demeure pour lui porter secours.

Le lendemain, Jacques Bouchet, père d'un soldat vendéen, enterra le marquis dans le cimetière près duquel il était mort.

 

(extrait d’un bulletin du SLA de 1937 ; un grand merci à eux ! )

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