Entrée de Mme de Sapinaud en clandestinité.

« Le commandant de Mortagne, peu de jours après mon arrivée, envoya chercher Madame de la Sorinière et ses trois demoiselles par des brigands qui commencèrent par piller le peu qui leur restait, et finirent par les maltraiter. Arrivées à Mortagne, on les amena devant le commandant avec lequel se trouvait une troupe de gens qui n'étaient pas plus humains que lui. Ces pauvres dames étaient à demi-mortes des mauvais traitements qu'elles avaient éprouvés. L'aînée de ces demoiselles voulut parler à ces tigres, et les prier de donner un siège à sa mère qui était très fatiguée.

« Elle se reposera sur la paille, lui répondit un de ces patriotes."
Cette cruelle réponse fit ouvrir les yeux à ces infortunées.
«Mes filles, leur dit la mère, on nous mène au martyre. » En effet, le lendemain on les conduisît à Angers, où elles périrent sur l'échafaud. Au moment où elles montaient sur la fatale charrette, un citoyen proposa à la plus jeune, qui étaît très jolie, de l'épouser. Mais elle reçut cette proposition avec la plus vive indignation, et lui répondit fièrement : « Tu veux que j'épouse un des complices de la mort de ma mère ; je préfère l’échafaud à une pareille infamie, et je remercie le ciel de m’ôter d’une terre qui n’est habitée que par des monstres.»
En disant ces mots, elle se jeta dans les bras de sa mère, et après l’avoir étroitement embrassée, sans verser une seule larme, elles s'élancèrent toutes les deux vers 1’éternité. Ses soeurs périrent avec le même courage.
A la même époque on amena à Mortagne les demoiselles de la Besse et de Lapinière , ainsi qu'une jeune personne qu’elles avaient chez elles. Trois de ces infortunées furent tuées en chemin par ces misérables; la quatrième, mademoiselle de la Guittière, arriva seule et fut envoyée à Angers, où le tribunal révolutionnaire la condamna à mort.

Mesdames de Vogiraud et de Concise furent aussi conduites à Doué où elles périrent de misère et de mauvais traitemens. La pauvre madame de Concise fut jetée du haut d'un escalier, et survécut que huit jours à sa chute.

Au lieu de suivre l'exemple de ces dames, et de me hasarder à rester chez moi, je partis à la pointe du jour suivie de Perrine. …

J'étais tout en guenilles ; j'avais une vieille coiffe de laine qui était toute jaune ; je m'étais mis un morceau de croûte de pain, dans un coté de la joue, entre les gencives et les joues ; je m'étais noirci les sourcils, et un vieux morceau de linge attaché sous le menton me cachait la moitié de la figure ; outre cela les larmes que je ne cessais de répandre depuis quatre mois m'avoient tellement changée que j'étais méconnaissable. »

Jusqu'à la fin du péril, soit pendant plus d’un an, elle devint la Fortin et vécut à ou autour de St Laurent sur Sèvre, échappant aux massacres bon nombre de fois (lire ses mémoires ici)